Le seul chiffre sur le nombre d’emplois créés est jugé « vague » par les observateurs avertis qui cherchent en vain les secteurs ayant le plus recruté, la période où il y a eu plus de recrutements. Le chef de l’Etat malgré cela dit encore, à 85 ans sonnés, avoir besoin des jeunes.
Les chiffres n’ont jamais souri à Paul Biya. Qui en fait donc usage avec parcimonie, au risque de passer totalement à côté de la plaque. Lors de son adresse à la jeunesse le 10 février, Paul Biya évoque un seul chiffre. Lui-même, incertain. « On peut toutefois se réjouir de ce que, selon les statistiques, un peu plus de 500.000 emplois ont été créés l’an dernier dans le secteur moderne de notre économie. » La source du chef de l’Etat est voilée. S’agit-il du ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle ? De l’Institut national de la statistique ? Les propres recherches ou récapitulatif de la présidence de la République ? Mystère.
Ce n’est pas tout. « L’économie moderne est différente de l’économie informelle. L’objectif était justement de créer au moins 500.000 emplois en 2019. Le chef de l’Etat indique que le but a été atteint et même dépassé. Or l’armée n’accroche plus les jeunes depuis que la guerre est vécue dans certaine régions, la fonction publique elle-même est plus préoccupée à réduire ses effectifs en chassant par exemple les agents fictifs afin de mieux avoir des ressources pour la guerre en zone anglophone. Les emplois ont donc été crées où ? Quelles ont été les secteurs, les entreprises publiques qui ont le plus absorbé de mains d’œuvre ? Le pic des recrutements était en quels mois ? Seul le chef de l’Etat le sait, il est vague », analyse Marc Ndjock, économiste.
Il est rejoint par Benjamin Ekoé. « Le chef de l’Etat n’est pas très cohérent. Observez les initiatives visant à créer des emplois aux jeunes et les exemples de succès balancés par lui, vous comprendrez qu’il y a un problème. » En effet, Paul Biya a salué les performances du ministère de la Jeunesse et de l’Education Civique, celui-ci devra d’ailleurs poursuivre ses activités au bénéfice des jeunes dans les domaines de l’éducation civique et de l’intégration nationale, de leur insertion économique. Le Plan Triennal Spécial Jeunes est là depuis au moins trois ans. Ce ministère a même mis en place l’initiative Youth Connekt Cameroon, récemment lancée à Yaoundé.
Quels résultats ? « Au registre des satisfactions que nous pouvons légitimement éprouver, je mentionnerai les succès remportés par nos jeunes sportifs sur la scène internationale. Qu’il s’agisse du 2e titre de champion d’Afrique des Nations de notre équipe de football messieurs des moins de 17 ans en avril 2019, du 2e titre de championne d’Afrique de notre équipe nationale de volley-ball dames en juillet 2019 et de la consécration, en janvier 2020, de notre équipe nationale féminine de football comme meilleure équipe du continent. Je crois que nous pouvons être fiers de notre jeunesse sportive qui fait flotter très haut les couleurs du Cameroun. »
Pour les experts, les visées présidentielles sont ailleurs. « Il a juste envie de contenter les jeunes en les touchant par ce qu’ils aiment le plus, le sport. L’économie du sport existe, certes. Mais si le président Paul Biya vente les jeunes qui se démarquent sur le plan économique, ou encore des retombées réelles des plans mis en place pour aider les jeunes à se mettre à leur propre compte, cela parlerait encore plus fort. Les PME peuvent recruter s’il y a de vraies facilités –électricité, financements par exemple – pas les jeunes qui ont remporté une compétition sportive. Le président de la République est dans une posture de corruption morale des jeunes », tranche Benjamin Ekoé.
A.O