Le gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) était l’invité du programme dominical Actualité Hebdo.
Commençons par une question d’actualité, cette session du conseil d’administration de la BEAC. Qu’est-ce qu’on peut en retenir ?
Cet entretien participe de l’effort d’informer le public sur l’actualité économique, les missions de la banque centrale et plus globalement, participe de l’effort de l’éducation financière des masses. Ceci étant, la session ordinaire de la COBAC , la session ordinaire, la dernière de cette année, s’est tenue ici à Douala sous la présidence du ministre de l’économie, parce que le ministre statutaire étant le ministre des Finances qui s’est fait représenter à raison de son agenda qui était chargé et cette session a été présidée par le ministre de l’Economie du Cameroun M. Alamine Ousmane Mey. La question ordinaire, traite des questions ordinaires de fin d’année, le point le plus important qui a été sur le budget 2022. Les projections sont bonnes la banque a une santé financière solide, en témoignent les résultats de la banque, de son exploitation sur les trois dernières années, le résultat est positif de façon croissante.
Y compris les résultats du système bancaire malgré la crise financière ?
En dépit de la crise financière, le système bancaire reste quand même solide, résilient, d’ailleurs grâce aux mesures de politiques monétaires qui avaient massivement soutenu les banques de la CEMAC, nous constatons que les volumes de crédits sont en augmentation, les banques continuent à dégager des bénéfices, quoi que cette situation soit un peu disparate, c’est en fonction aussi des banques de la CEMAC, la situation globale reste quand même résiliente en dépit de la conjoncture difficile.
Il y a une image qui revient chaque fois qu’on parle de la BEAC, pour M. tout le monde, c’est tout de suite l’image de l’argent. C’est une image erronée ou alors qui reflète la réalité de la banque centrale ?
Ce n’est pas tout à fait faut, parler d’une banque centrale et parler d’argent, néanmoins il reste que cette idée est un peu réductrice. La banque centrale, ce n’est pas que l’argent, si vous voyez les statuts de la banque, notamment l’article premier, la banque centrale émet la monnaie de l’Union monétaire et en garantit la stabilité, sans préjudice à cette mission. Elle assiste les Etats membres à l’élaboration de leur économie générale. Mais de façon plus spécifique, la banque émet les billets de banque, les pièces de monnaie dans la zone et garantit la stabilité de notre monnaie, elle gère les réserves de changes internationale des Etats membres, elle gère la politique des changes, la banque centrale promet également le système de paiement et de règlement, entre autres. Il est bien que le public en général retienne que la BEAC est l’institution d’émission.
Quels sont les impacts du coronavirus sur les missions de la Banque centrale et sa capacité à réguler le secteur monétaire ?
Corona virus est une pandémie qui a eu des effets sur les économies du monde entier, notre zone n’étant pas un ilot complètement autonome du reste du monde a clairement subi les conséquences. Au plan sanitaire, mais davantage sur le plan économique, l’on a noté la perturbation des chaines internationales qui ont fait que nos exportations ont diminué, la demande mondiale a globalement diminué et le cours des matières premières que nous exportons ont également diminué, principalement le pétrole. Notre banque, comme les banques centrale, a pris un certain nombre de mesures. La toute première étant déjà utiliser les instruments qui étaient à notre disposition, notamment la réduction des taux d’intérêts principaux, la banque centrale a rehaussé le volume d’injection des liquidités qui sur cette période sont passées de 252 milliards à peu près à 571 milliards entre la période 2020/2021 et la banque centrale a élargi la gamme des effets possibles aux opérations de politique monétaire. Nous avons également essayé d’élargir le marché de façon direct, le marché des titre publics à travers un programme de 600 milliards, racheté les titres qui étaient mis par les Etats de façon à dégager beaucoup de marge. Pour vous donner les chiffres précis, le volume des crédits dans cette phase difficile ont augmenté de 7758 à 8310 à peu près milliards d’augmentation de crédit sur cette période.
Est-ce que la recherche de la stabilité interne ne lie pas les mains de la banque centrale au point de vous empêcher de mener une politique monétaire suffisamment expansive, suffisamment ambitieuse ? J’observe qu’avant le corona virus l’inflation se rapprochait de 2,4 % …
Dans le seuil communautaire, on est à 3 % dans la communauté, au-delà pour nous, c’est une surchauffe. Malgré le contexte que je viens de décrire, nous avons quand même par le fait conjugué de politique au niveau des Etats membres de la banque centrale, des niveaux d’inflation, nous n’avons pas encore atteint le seuil de 3 % dans la zone.
Les patrons ne sont pas contents de la nouvelle réglementation des changes, ils estiment que cela compliquent leur fonctionnement. Qu’est-ce que vous leur dites ? Que visait même cette nouvelle réglementation ?
Il faudrait déjà se poser cette question fondamentale et qu’on essaie de voir quelle est la valeur ajoutée de cette réforme et ce qu’elle apporte à notre économie, à notre monnaie. La réglementation des changes, c’est pour nous un instrument phare, un instrument par essence de notre politique de change qui est un attribut important de notre politique monétaire et aucune banque centrale ne peut accepter l’instabilité da sa politique de change. Il faudrait bien que nous excluons nos relations financières extérieures à travers un instrument qui soit à jour, qui soit optimale, qui intègre également les évolutions qui nous sont dans notre région depuis les années 2000. Alors qu’est-ce que ça fait depuis que cette réglementation des changes ? Notre stabilité s’est renforcée par les rétrocessions des recettes d’exploitation. Pour vous prendre un exemple, en 2017/2018, à la banque centrale le volume des rétrocessions n’a jamais dépassé par an 3000 milliards, le maximum que nous avions. Aujourd’hui, nous sommes à pratiquement 8000 à 9000 milliards de rétrocessions qui sont faites. Et dans cette situation sanitaire, cela a été un également important pour nous de consolider notre position extérieure et de faire en sorte que cette reconstitution des avoirs extérieurs accroit aussi les marchés de financement dans la zone.
C’est donc une mesure d’assainissement …
D’abord des politique des changes importantes qui soutiennent notre position extérieure, mais bien plus, aujourd’hui avec la montée des fuites ici, également du financement de la criminalité, la réglementation des changes prévient tout cela en s’assurant que nos dispositifs d’anti blanchiment d’argent est bien respecté et le flux des transactions sortant et entrant sont bien vus et d’un autre côté, cela permet également d’éviter l’évasion fiscale, la fuite des capitaux, accroître les finances publics. Lorsque vous avez la possibilité de bien évaluer le chiffre d’affaires des opérateurs économiques en vous basant sur le volume d’exportation et sur les commandes qui sont ainsi faites sur le cordon douanier, vous avez une idée sur l’activité, vous pouvez corriger le régime fiscal du contribuable.
Parlons d’un sujet qui intéresse tous les publics de la CEMAC. La réforme du FCFA. Elle a été adressée par la conférence des chefs d’Etats de la CEMAC réunis en sommet extraordinaire à Yaoundé le 22 novembre 2019, et cette réforme a été confiée à la BEAC et à la commission de la CEMAC. Où est-ce que vous en êtes avec les réflexions ?
Vous allez me rappeler ça, au cours de cette session du sommet des chefs d’Etat, ils ont exprimé leur volonté d’avoir une monnaie qui soit forte, résiliente, solide, ils avaient instruit la banque centrale, la commission de la CEMAC à continuer la réflexion sur des évolutions fructueuses. Au niveau des Etats membre, avec le partenaire, les réflexions sont bien avancées, nous en réservons la primeur à qui de droit.
Réservez la primeur, mais dites-nous, est-ce que nous allons quand même, vers une sortie FCFA pour la création par exemple d’une monnaie communautaire ?
Le FCFA c’est notre monnaie. Il est stable, il remplit toutes les fonctions reconnues à une monnaie : le livre des comptes, la stabilité, les réserves de valeur, c’est une monnaie qui ne cause pas de problème. Vous pouvez changer le nom FCFA. On peut changer le cadre de la coopération.
C’est une position politique ou technique ?
C’est une monnaie qui est stable. C’est une monnaie qui fait que dans notre zone on a une stabilité des prix, une stabilité monétaire et qui remplit les fonctions essentielles reconnues à une monnaie.
Et donc, finalement la réforme dont il s’agit va porter sur quoi ?
Cette réflexion est en cours, je vous l’ai dit. Ce n’est pas le lieu de donner les indications. Elle sera soumise à qui de droit. Et lorsque des orientations précises seront données, en ce moment, je pense qu’on saura.
A quand la mise sur le marché des nouveaux signes monétaires, comme on dit dans votre jargon technique mais que le commun des téléspectateurs appellent les billets de banque et le projet a été validé depuis octobre 2020 ?
Tout à fait. Nous y travaillons. Nous travaillons à la fois sur les signes monétaires, les substrats, il faudra mettre en circulation des billets de banque qui intègrent les dernières évolutions technologique en matière de protection contre les contrefaçons et travailler également sur un substrat qui soit suffisamment solide pour résister à la fois à la salissure et assurer une bonne tenue en circulation et garantir la durabilité des billets de banque. Nous sommes bien avancés dans cette réflexion et je pense que les premiers signes monétaires seront mis en circulation avant la fin de l’année 2022.
Ces signes ont pris en compte les critiques, la qualité de la texture, la viabilité des signes en cours en ce moment ?
Je ne vais trop révéler, vous allez voir. On intégré tout ça, nos équipes écoutent beaucoup le publics, on mène des enquêtes, des sondages, on recueille les avis du public. Je pense que beaucoup d’aspects, d’éléments avaient été considérés dans la fabrication des nouveaux signes qui vont apparaitre. Au moment où on mettre cela en circulation, on aura l’occasion en ce moment d’apprécier cela.
Source : CRVT, Actualité Hebdo, 19 décembre 2021