Directrice Générale, Multi services et Matériels industriels (MSMI).
Vous êtes patronne d’une industrie métallurgique, on devine bien que votre secteur a également été affecté par la crise de corona virus…
Au départ comme tout le monde, c’est par la peur, c’est un effet domino. À partir du moment où je travaille avec de grandes entreprises et les multinationales, qui elles, ont pris peur et nous aussi, tous. Mais passé l’instant de peur, je pense que les choses ont commencé à revenir à l’anormal.
Comment se porte votre entreprise, votre secteur aujourd’hui ?
Je suis un peu le condensateur de l’industrie du Cameroun, ça veut dire que j’ai pratiquement toutes les grandes entreprises et les multinationales comme clients. Nous aujourd’hui sommes saturés en travail, tellement saturés que nous sommes obligés de faire du 3 fois 8, parce que nous n’avons pas encore installé l’unité à commande numérique, donc ça veut dire qu’en réalité, cette situation fait qu’aujourd’hui, je vous assure qu’il y a des pièces que je fabrique au Cameroun pour le secteur pétrolier en particulier que je ne fabriquais pas encore en janvier, on les importait encore des Etats Unis.
Aujourd’hui (22 octobre 2020, Ndlr) se tient le Cameroon business forum à Yaoundé, vous avez une position peu ordinaire, vous dites que le coronavirus –alors qu’on parle de la relance post covid- vous pensez que le coronavirus est une chance pour les industries camerounaises. Est-ce que ça vaut pour tout le monde, pourquoi vous pensez ainsi ?
Je le pense parce que quand je regarde un peu, il y a des secteurs qui ont été secoués. Il faut qu’on se mette d’accord sur les principes, il y a le secteur du tourisme, le secteur du transport qui ont été les plus secoués, l’informel, de très petites entreprises, quasiment qui n’existent donc pas qui sont dans l’informel mais pourtant qui sont en réalité la force même de notre économie. Le secteur pétrolier a été aussi secoué, mais ça, c’était à cause de la paranoïa, à cette intensité qu’on a voulu donner à un virus grippal. Moi je dis aujourd’hui que nous devons profiter de cette situation pour relancer véritablement notre industrie. C’est valable.
Comment ?
La relancer de façon concrète, tout secteur confondu. Imaginez-vous qu’aujourd’hui pratiquement toutes les frontières sont fermées. Cette situation de coronavirus vient nous démontrer par A+B que nous devons tout faire en local, nous pouvons faire en local et nous devons faire en local. Le plan directeur d’industrialisation est là. Deux décrets récemment, un sur l’énergie, un sur la formation professionnelle, sérieusement nous devons vraiment penser à relancer en interne l’industrie. Nous devons transformer ce que nous cultivons, nous devons produire nos chaines de production, j’ai des prototypes existants qui sont là, grandeur nature. Le chef de l’Etat n’est pas fou quand il crée le fonds de prototypage.
Quel peut être l’apport du secteur privé ?
La commande privée doit revenir en interne. Il y a des jeunes, ces jeunes qui sont là dans les secteurs informels qui font des choses formidables, mais qui ne peuvent pas se formaliser parce qu’ils ne sont pas sûrs de la commande. Prenons seulement le secteur de la publicité, de la sérigraphie, on doit tout faire au Cameroun, on a des machines qu’on a déjà acheté, on peut même les dupliquer. Mais les gens se démerdent encore de tout importer de Chine. Aujourd’hui la Chine est fermée. On doit passer la commande aux entreprises en interne et leur impose de se formaliser. Nous devons aider l’Etat, c’est notre rôle, le secteur privé. Réduire les impôts pour les grandes entreprises et les multinationales n’est pas la solution, il est temps qu’en s’asseye, qu’on se regarde dans les yeux et qu’on parle franchement pour aider le Président de la République à mettre en place cette vision, c’est une très bonne vision.
Source : CRTV