La grosse colère du GICAM
Le premier patronat exhibe des montants à investir si le pays veut être émergent et décrie la corruption, les lourdeurs administratives qui fâchent les créateurs de richesses.
Le Groupement inter patronal du Cameroun (GICAM), c’est le plus ancien des regroupements patronaux au Cameroun – crée en 1957- c’est le plus puissant, en son sein plus de 1000 membres et c’est le regroupement des patrons que le gouvernement sollicite rapidement lorsqu’il s’agit de passer au crible les questions économiques nationales. Alors, lorsqu’il parle, on l’écoute. La figure de proue de ce patronat est un homme qui sait manier souplesse et rudesse, quid à casser les codes, pourvu que le message passe, et que l’histoire retienne demain que le Gicam avait parlé.
Le discours de Célestin Tawamba le 18 mars à la dixième édition du Cameroun business forum (CBF) a totalement ignoré le langage voilé, pour aller droit au but extérioriser les limites de l’économie locale, les craintes des patrons, les normes à suivre si le Cameroun veut réellement être un pays émergent. « Il n’y a pas d’émergence économique sans investissements. Le taux d’investissement est projeté dans le DSCE (le document de stratégie pour la croissance et l’emploi) à 25 % en 2020, puis à 30 % en 2025. Or il stagne depuis 2015 autour de 22 %. Le Cameroun a donc du mal à attirer davantage d’investissements privé », fait remarquer Célestin Tawamba. De nombreuses raisons peuvent être évoquées pour justifier cette lente évolution.
Mais le Gicam donne plus la voie à suivre si le gouvernement veut être objectif avec ses ambitions. « Pour retrouver le sentier de la vision 2035, il va falloir gagner 7 points de PIB à l’horizon 2025, soit en moyenne 600 milliards de FCFA d’investissements supplémentaires chaque année par rapport à l’année précédente. Il s’agit de passer de 4 800 milliards de FCFA actuels à une moyenne de 7 000 milliards de FCFA sur les sept prochaines années. »
Pour ce patronat, le Cameroun devrait en outre respecter les critères définis par l’OCDE visant à mieux séduire les investisseurs. Il s’agit de mettre en application trois règles. Abaisser le coût de l’investissement, réduire les risques, renforcer les capacités. Dans le détail, il est question de tordre le cou à la corruption, réduire les lourdeurs administratives. Le Gicam veut que le Cameroun produise ce qu’il consomme et consommer ce qu’il produit. Un point qui fâche les patrons, le fisc. « La fiscalité, entendue ici comme étant l’ensemble des instruments fiscaux, parafiscaux, douaniers, ainsi que le coût lié au suivi de l’administration de l’impôt et du contentieux reste dissuasive pour les investisseurs dans notre pays. Un changement de paradigme fiscal s’impose », gronde Célestin Tawamba.
Les motifs du mal être des créateurs de richesses au Cameroun sont nombreux. « Outre la taxation sur la base du chiffre d’affaires qu’aucun investisseur au monde ne peut comprendre, les griefs sont suffisamment nombreux pour qu’enfin nous décidions de mettre la fiscalité au service du développement. Une fiscalité qui garantit à l’Etat des ressources suffisantes pour l’exercice de ses missions régaliennes, sans pour autant obérer la compétitivité des entreprises », s’étrangle le patron des patrons du Cameroun. Au gouvernement venu en grand nombre prendre part à la dixième édition du CBF, une dernière observation. « Un pays émergent ne peut pas s’accommoder d’une balance commerciale structurellement déficitaire, le cas de notre pays avec -1000 milliards de FCFA en moyenne sur les cinq dernières années. Il convient de repenser notre politique de commerce extérieur. Des choix courageux s’imposent », insiste le Gicam qui ne comprend pas que le pays de Paul Biya importe autant de riz, poisson, pain au chocolat, croissants surgelés, meubles, friperie, uniformes militaires etc. « Dans le même temps, on a un mal fou à exporter nos produits, de qualité moindre au demeurant, en raison de nombreuses entraves. »
Aloys Onana