Par NJIKI FANDONO (Journaliste, analyste politique)
Le 3 mai 2024, des professionnels de la presse réunis sous la bannière du Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC) ont vu leur manifestation pacifique brutalement interdite par les autorités de la ville de Douala. Pourtant celle-ci avait été régulièrement déclarée pour célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse, dans un contexte marqué au fer rouge par l’enlèvement et l’assassinat sordide de leur confrère Martinez Zogo, symbole récent de la répression des opinions contraires au Cameroun.
Avant l’animateur de l’émission “embouteillages”, d’autres journalistes sont morts dans des circonstances non élucidées, après avoir été arrêtés par les forces de sécurité. Le cas Samuel Wazizi est encore saignant dans les mémoires.
Toujours dans le même pays, Aristide Mono, célèbre chroniqueur à la réputation pamphlétaire contre le régime du président Paul BIYA, serait dans le viseur des ennemis de la libre expression contradictoire. L’analyste politique à Equinoxe (TV et Radio), une chaîne populaire basée à Douala, aurait fait l’objet de deux tentatives d’enlèvement en une semaine, selon une publication sur son compte Facebook le week-end dernier.
Si les allégations ne sont pas encore confirmées, faute d’enquêtes appropriées, il n’en demeure pas moins que l’alerte d’Aristide Mono mérite une plus grande attention au regard des précédents évoqués tantôt et la restriction administrative des libertés. À l’évidence, un parfum de monolithisme souffle sur le Cameroun à un an de la présidentielle de 2025, une échéance cruciale à laquelle Paul BIYA (91 ans) devrait être candidat pour un huitième mandat consécutif selon ses partisans. Les manifestations publiques des partis politiques de l’opposition sont interdites de façon quasi-systématique ; de nombreux médias et journalistes – notamment du secteur privé – sont muselés par le Conseil national de la communication (CNC), un organisme à la légitimité très contestée par les professionnels de média qui plaident pour la mise en place d’un organe de régulation des pairs.
Tous ces éléments sont en totale contradiction avec le vœu émis le 21 juillet 1990 sur les ondes de Radio Monte Carlo et au micro de Yves Mourousi : « Je voudrais que l’histoire retienne de moi l’image de l’homme qui a apporté à son pays la démocratie et la prospérité ». Au bout du rouleau, le silencieux homme du 6 novembre 1982 n’a ni prospérité, ni démocratie. L’alternance à la fonction suprême est confisquée grâce à des méthodes antidémocratiques. L’once de liberté d’expression qui pouvait encore exister, est désormais émasculée. « La démocratie truquée » que fustigeait Célestin Monga en 1990, est plus que jamais vivace. La nuit est profonde. Au peuple de dire en chœur, ‘’fiat lux’’ (que la lumière soit), comme le disaient les romains.