Aline Valérie Mbono, la directrice exécutive du Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam) va droit au but. « La PME doit cesser de payer la grande entreprise », tranche-t-elle, ton ferme. C’est que, se désole-t-elle, les PME reçoivent des ordres des grandes entreprises. Des marchés à exécuter. Jusque-là, ça va. Les problèmes surgissent avec fracas lorsqu’il s’agit de régler la facture de la PME. « Les délais sont élastiques. Pourtant c’est la PME qui sort de son argent et l’injecte dans le marché. Ce qui la fragilise. Quand les délais de paiement deviennent longs, la PME peut fermer alors qu’elle a par exemple fourni un service qui permet à la grande entreprise de gagner », condamne Aline Valérie Mbono.
C’est donc cette situation que le Gicam veut voir à jamais réglée au Cameroun. Un pays où, selon ladite charte de partenariat PME/GE (grandes entreprises), les GE représentent 0.2 % du total des entreprises et sont accréditées de 66% du chiffre d’affaires total. Pendant ce temps, les TPE (très petites entreprises) représentent de loin la plus grande catégorie des entreprises avec 79.1% et ne produisent que 12.24% du chiffre d’affaires global de l’économie. Aussi, la catégorie des moyennes entreprises est très réduite. Soit 1.3% du nombre total des entreprises.
Pour mettre en exergue ce que le retard de paiement d’une facture peut avoir comme conséquence, le Gicam précise que 51% des travailleurs permanents exercent dans les TPE: emplois potentiellement précaires. Les grandes entreprises, quoi que tributaires de 66 % du chiffre d’affaires global, n’emploient que 27% des travailleurs permanents. Donc, faible proportion des emplois potentiellement stables et décents.
« Les PME, malgré leur importance économique et sociale (croissance économique, création d’emplois, développement régional et local, cohésion sociale) peinent se déployer (déficit de compétitivité, difficultés à accéder aux marchés, aux ressources financières, humaines, matérielles, organisationnelles et technologiques etc. », énonce André Kwam Tuete, président de la Commission PME et financement du secteur privé, dont le but est la promotion du développement de la PME et de l’entrepreneuriat. « Comme toutes les économies du monde, les différents maillons de l’économie sont interdépendants et sont appelés à travailler ensemble, à grandir ensemble, à mourir ensemble ou alors à végéter ensemble. Ainsi, la fragilité des PME impacte les performances des autres acteurs et notamment les grandes entreprises. »
La charte
L’adhésion à cette charte est libre. Mais souligne le Gicam pour rehausser sa portée, le challenge est de promouvoir des relations d’affaires saines, équitables et mutuellement profitables entre les GE et les PME/PMI et renforcer des synergies pour une meilleure intégration des filières et secteurs d’activités.
Ainsi, les GE s’engagent àassurer, dans le cadre de leurs achats directs ou délégués, une mise en concurrence ouverte, libre et loyale, gage d’efficacité sur la base des règles suivantes : libre accès aux appels d’offres, égalité de traitement des candidats, transparence et traçabilité des procédures, prise en compte de tous les facteurs constitutifs du coût total.
Dans cette suite d’engagements, les GE PME/PMI promettent de pratiquer des tarifs et les conditions les plus préférentiels, en faveur des PME/PMI labélisées dans le cadre de la charte, avoir une attitude responsable en matière financière, notamment en veillant à élaborer, réviser des contrats types responsables et en appliquant les dispositions prévues de façon stricte et sincère, préciser et respecter les délais de paiements retenus dans les factures et conditions d’achat des PME/PMI. Elles s’engagent à indiquer comme référence dans leurs contrats types et autres offres d’achat un délai de paiement de référence de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets à compter de la date d’émission de la facture.
L’on note en outre que les GE s’engagent à s’impliquer dans les projets de mutualisation des efforts de formation professionnelle avec les PME/PMI et à mettre en place, des actions de soutien à la formation continue et au renforcement des capacités des personnels des PME/PMI. Quid des différends ? « Les GE s’engagent à inscrire systématiquement, dans leurs contrats de sous-traitance et d’acquisition avec les PME/PMI, la clause compromissoire permettant de recourir à un arbitrage devant le Centre d’Arbitrage du Gicam pour le règlement des éventuels litiges commerciaux qui surviendraient dans le cadre de leurs relations commerciales avec les PME/PMI adhérentes à la présente Charte. »
Responsabilités des PME
Les engagements ne concernent pas que les GE. Les PME/PMI, TPE ont aussi des exigences à respecter. Elles acceptent donc que le non-respect des engagements souscrits entraîne la perte des avantages accordés, notamment du Label “PME/PMI Responsables”. Les PME reconnues par la charte s’engagent à remplir leurs obligations légales, et à être en règle vis-à-vis des diverses administrations et institutions. Elles s’engagent à assurer une transparence totale dans la production de leurs documents de gestion et à répondre aux différents principes de gouvernance d’entreprise (conseil d’administration ou de surveillance, contrôle, responsabilité, transparence, efficacité).
Aussi, ajoute le document présenté à Douala le 30 novembre 2022, l’entreprise bénéficiaire qui adhère aux dispositions de la charte, quel que soit la catégorie dans laquelle elle se trouve, s’engage à tenir une comptabilité régulière et fiable selon le système en vigueur au Cameroun, à accepter d’être éventuellement auditée et suivie par un ou des commissaires aux comptes ou par des structures de gestion agréées, ou des cabinets externes mandatés, entre autres exigences.
En rappel, l’adhésion des PME/PMI, des GE et des organisations et organismes intéressés à ladite charte se fait par le biais d’une fiche d’adhésion dûment remplie, signée et déposée au Gicam contre décharge.
Aloys Onana