Le confort à la place des projets prioritaires
La Banque mondiale (BM) indique que des gains importants peuvent être tirés d’une meilleure efficacité des allocations budgétaires.
Selon l’exécution budgétaire à fin septembre 2018, « les dépenses de biens et services diminuent de 100 milliards en glissement annuel et s’élèvent à 528,1 milliards de FCFA. Le taux d’exécution de ces dépenses est de 83,8% comparativement aux 630,2 milliards d’objectif sur la période. » Autrement dit, les frais consacrés à l’achat de véhicules et aux missions par exemple, ont diminué durant les neuf premiers mois de l’année 2018. Si la Banque mondiale constate les efforts déployés par les pouvoirs publics camerounais dans ce sens, l’institution de Bretton Woods note tout de même que cela reste encore insuffisant. « Le gouvernement du Cameroun a réduit les dépenses allouées aux biens et services, les subventions et les transferts ainsi que les dépenses en capital financées sur ressources propres entre 2016 et 2017, mais les performances ont été inférieures aux attentes », relève l’institution financière internationale dans un rapport récemment publié sur les dépenses publiques au Cameroun. Qui ajoute : « Le déficit budgétaire a diminué, mais il a été supérieur de 1,6 % du PIB à l’objectif du programme signé avec le Fonds monétaire international. »
Pour la BM, cela est dû au fait que les autorités camerounaises consacrent énormément de ressources financières aux biens et services. « Le gouvernement dépense davantage en biens et services que d’autres pays comparables et une part extrêmement importante de son budget alloué aux biens et services est consacrée aux frais de représentation, de missions, de cérémonies et aux services externes », révèle la BM.
En 2015, le Cameroun a dépensé 4,3 % du PIB en biens et services, contre 2,5 à 3% pour la plupart des pays comparables. De 2013 à 2015, les frais de représentation, de missions, de cérémonies et les services externes ont représenté un peu plus de la moitié de la totalité des dépenses en biens et services, 17% des dépenses publiques totales, soit 1,8 % du PIB. Les deux tiers de ces ressources ont servi à couvrir les frais de participation aux cérémonies et aux missions au sein du pays. Pas moins de 80 % des dépenses en services externes ont été classées dans la catégorie « autres services externes », tandis que les formations, les stages et les séminaires à l’étranger correspondaient aux 20 % restants. Une grande partie des ressources affectées aux cérémonies et aux missions, ainsi qu’aux frais annexes tels que le carburant, est en fait une compensation non-salariale versée à certaines catégories de fonctionnaires afin d’augmenter leur faible salaire officiel.
Nécessaires réajustements
C’est probablement pour réduire cela que dans la circulaire du 20 juin 2018 relative à l’exercice budgétaire en cours, le chef de l’Etat, outre l’instruction donnée de privilégier le redéploiement des effectifs aux recrutements de nouveaux personnels, requiert « la rationalisation des dépenses liées au fonctionnement des comités, commissions et groupes de travail à travers notamment leur recensement au sein des administrations publiques et la dissolution de ceux dont l’exigence ne se justifie plus. » Mais en plus, Paul Biya exige « la vérification des actes juridiques qui donnent droit et encadrent l’attribution des primes statutaires par administration, ainsi que celle des pièces administratives attestant du niveau réel des effectifs et de la catégorisation des agents publics aux fins d’une évaluation rigoureuse de la demande des primes statutaires considérées. Ce, avant toute budgétisation des autres dépenses de personnel. »
C’est que si l’on s’en tient aux observations de la BM, mis à part le service de la dette et les dépenses de souveraineté, moins de la moitié du budget de l’Etat est consacrée aux secteurs prioritaires. En effet, « le gouvernement alloue une part disproportionnée de son budget à l’administration générale et financière. Cette catégorie représentait 19% des dépenses totales entre 2013 et 2015, soit un pourcentage largement supérieur aux niveaux du Sénégal (6,1 %), du Kenya (9 %) et du Mali (10 %). De plus, les coûts administratifs représentent une grande partie des ressources limitées affectées aux secteurs prioritaires du DSCE. En 2015, les coûts administratifs représentaient 22,1% du budget des infrastructures, 31,9 % du budget des affaires sociales, 74,4 % du budget de l’éducation et 84,8 % du budget de la santé », précise la BM. Si des ajustements budgétaires s’imposent à court terme, une hausse des dépenses dans certains secteurs et des gains d’efficacité globaux sont nécessaires à long terme pour atteindre les objectifs stratégiques de la vision 2035.
Thierry Christophe YAMB