Akinwumi Adesina, le président du Groupe de la Banque africaine de développement (Bad) invite les gouvernements africains à changer de paradigme vis-à-vis de leurs communautés basées hors du continent. « La diaspora africaine est devenue le plus grand bailleur de fonds de l’Afrique ! Et ce n’est pas de la dette, ce sont des cadeaux ou des dons à 100 %, une nouvelle forme de financement concessionnel qui est la clé de la sécurité des moyens de subsistance pour des millions d’Africains », souligne-t-il.
C’est que, pour la seule année 2022, a-t-on appris lors du forum ’’Développement sans frontières : Mobiliser la diaspora africaine pour une croissance inclusive et un développement durable en Afrique’’ qui a eu lieu en présentiel et en visioconférence le 1er décembre 2022 à Abidjan, les 160 millions d’africains basés hors du continent ont transféré 95,6 milliards de dollars à leur terre d’origine, sans oublier leurs compétences et leur expertise apportées dans divers domaines de la vie sur leur continent de leurs ancêtres. Une performance financière qui est en hausse, car en 2021, le flux financier de la diaspora à destination du continent est évalué à 35 milliards de dollars.
Des données qui poussent la BAD à suggérer aux politiques suprêmes du continent à réserver plus d’espace à leurs populations basées dans d’autres pays du monde. Il est question de leur ouvrir des voix pour le vote dans leurs pays respectifs, tout comme il est suggéré de créer des ministères dédiés à ce couche sociale. « J’implore et j’encourage les gouvernements africains à créer les conditions qui permettent à ceux qui vivent et travaillent à l’étranger de contribuer de manière significative au développement national ou, mieux encore, de ne pas partir du tout », a-t-il déclaré.
Une stratégie qui permettrait de mieux mettre en valeur cette richesse qui profite très souvent à d’autres pays car, indique le BAD, dans le seul secteur de la santé, l’Afrique perd 2 milliards de dollars environ par an, du fait de la fuite des cerveaux.
La présidente adjointe de la Commission de l’Union africaine, Monique Nsanzabaganwa, rappelle que les chefs d’État africains s’étaient engagés à impliquer la diaspora dès 2012, en créant une base de données des professionnels de la diaspora, un institut africain pour les transferts de fonds et un fonds d’investissement de la diaspora africaine, entre autres initiatives. Ce qui demeure un vœu pieux pour de nombreux pays.
Wamkele Mene, secrétaire général du secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), fait remarquer que les transferts de fonds offrent une fenêtre d’opportunités pour le développement de l’Afrique, dans un contexte de déclin des investissements directs étrangers et de l’aide étrangère.
Le directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations, Antonio Vitorino exhorte les pays africains à adopter une approche proactive vis-à-vis de leurs communautés vivant à l’étranger. « Les gouvernements doivent apprendre à connaître leur diaspora ; cela commence par savoir où elle se trouve, quelles sont ses compétences et ses capacités, et dans quelle mesure elle est prête à s’engager dans le développement de son pays d’origine. »
Au-delà des transferts de fonds, M. Vitorino a indiqué que l’engagement philanthropique et le tourisme sont des domaines d’intérêt mutuel potentiels pour les gouvernements africains et la diaspora. Pour beaucoup d’observateurs, les communautés de la diaspora ont un rôle crucial à jouer pour changer le discours et les perceptions sur l’Afrique. « L’Afrique est le continent le plus ancien, le plus jeune et bientôt le plus grand », a déclaré l’ambassadrice Rama Yade, des Centres pour l’Afrique et l’Europe de l’Atlantic Council, basé aux États-Unis.
Aloys Onana