Les acteurs de l’Interprofession avicole (Ipavic) sont inconsolables depuis le 21 février 2021, jour de décès d’un défenseur de poids des droits de l’aviculture . « Bernard Njonga s’en est allé (…) laissant derrière lui la filière avicole orpheline sans soutien indéfectible et désintéressé », se désole François Djonou, président de l’Ipavic.
Bernard Njonga a mené de nombreux combats dans le domaine agricole et de l’élevage. Pour le dernier cas de l’agriculture, la mémoire collective n’oubliera pas ses images sur son compte Facebook où il a publié il y a deux par-là, des sacs de riz stockés dans un entrepôt à Yagoua pendant que le Cameroun dépense plus 300 milliards de FCFA par an pour acheter du riz d’Asie.
Mais ceux qui peuvent s’estimer heureux des actions salvatrices de Bernard Njonga sont des acteurs du secteur avicole. Un pan que cet acteur économique a réussi à relever. Tout commence en 1980. Cette année-là l’État crée l’Office national de développement de l’aviculture et du petit bétail (ONDAPB). Les actions ici ne sont pas vraiment éclatantes. La structure, cahin-caha, parvient à satisfaire la demande locale. De nombreuses importations sont faites en catimini. La situation économique des années 90, et notamment la dévaluation du FCFA janvier 1994 donne le coup de grâce au secteur avicole. Les intrants sont plus coûteux. L’État se désengage, l’ONDAPB est privatisé, certains de ses membres sont reversés au ministère de l’Élevage, des pêches et des industries animales (MINEPIA). C’est l’explosion du prix d’œufs, le poulet de chair devient une espèce d’ambroisie, un repas réservé aux dieux uniquement.
Pour régler cette situation, un accord est signé avec l’Union Européenne, qui doit alimenter le Cameroun en découpes de poulets. Cette situation perdure pendant 11 ans. En 2002 par exemple, 30 mille tonnes de découpes sont vendues au Cameroun. Arrivent donc février/mars 2006. La grippe aviaire est déclarée dans la partie septentrionale du Cameroun, après avoir déjà fait des ravages en Europe et au Nigeria. C’est la fermeture des frontières. Les importations avicoles sont interdites. Il est encouragé de détruire des fermes locales. Les pertes sont estimées à plus de trois milliards de FCFA. La production des poussins d’un jour va passer de 600 mille par semaine à moins de 50 mille.
Bernard Njonga saisit la balle au bond. Il crée l’Association citoyenne pour la défense des intérêts collectifs (Acdic). Son rôle, redorer l’image de l’élevage avicole, donner puissance et notoriété à l’agriculture et à l’élevage. Il est encouragé par les producteurs locaux. Il est question, selon le directeur de publication de La Voix du Paysan d’emmener les autorités publiques à donner des moyens aux nationaux afin qu’ils relèvent la filière avicole. 4 milliards de francs sont déboursés par le gouvernement. Ils servent à l’achat des parentaux, aux financements des fermes parentales et des petits éleveurs par l’achat des œufs à couver et la recherche du maïs.
Sous l’action de l’Acdic et de l’entregent de Njonga, le secteur avicole retrouve vie. La consommation du poulet se démocratise. Si bien que « depuis 2010, le Cameroun s’est défini un cap majeur pour atteindre l’émergence en 2035. La mise en œuvre de la politique de développement de l’aviculture doit amener les camerounais à consommer au moins 17 Kg de viande de volaille et ovo-produits chaque année », confiait, à l’auteur de ces lignes, le MINEPIA Dr Taïga, lors du tout premier salon avicole à Yaoundé en octobre 2013. « On assiste à une véritable industrie de la volaille qui se met en place avec une production hebdomadaire de près de 950 mille poussins d’un jour, près de trois millions et demi de pondeuses, des unités de production d’aliments, des fermes de production de la volaille chair et deux unités industrielles d’abattage de volaille à Bomono dans la Région du Littoral et Bafang dans l’Ouest. Pour cette filière il s’agit de résoudre l’épineux problème de l’approvisionnement en maïs », confessait Dr Taïga. Une bataille que Bernard Njonga ne mènera plus. « Puisse l’ensemble des aviculteurs prendre conscience de son œuvre gigantesque et reprendre à leur compte son combat pour le développement de l’aviculture camerounaise », écrit François Djonou aux membres de l’Ipavic.
Aloys Onana