Les philippins eux-mêmes commencent à douter de leur proposition, mais veulent s’installer dès le 1er octobre prochain, pourtant 4 mois leur ont été donnés pour cela.
Toute la semaine du 22 au 26 juin a été rythmée par une série d’informations. Mais celle qui aura retenu l’attention de l’Assemblée nationale, c’est la situation du made in Cameroon. Une belle opportunité qu’observent les 9 entreprises qui constituent Kribi Polyvalent Multiple Operators (KPMO). Le consortium des entreprises manutentionnaires qui a pris pied au terminal polyvalent du port en eau profonde de Kribi (PAK) depuis 2018 et qui, depuis deux ans, « démontre aux yeux du monde qu’on peut faire confiance aux acteurs portuaires du Cameroun », souffle une voix crédible au fait des questions portuaires.
Ce qui agace différents acteurs tant du privé que du public et qui observent cette arrivée du philippin International container terminal services (ICTSI), c’est une suite de griefs. Allant de son intermédiaire local au passé au controversé de cette entreprise portuaire aux couleurs oranges, sans perdre de vue l’offre « surréaliste » qu’a faite cette boîte. Sont également et surtout mal vus, le traitement que ICTSI a l’habitude de réserver à ses dockers, tout comme ses accointances avec des Etats où les droits de l’homme et du travailleur sont foulés au pied.
D’abord le partenaire, ou l’intermédiaire au Cameroun. Pour que le philippin ICTSI entre ici, il a fallu, souffle-t-on, l’intervention de Bonaventure Assam Mvondo, député, homme d’affaires très polyvalent par ailleurs originaire du Sud et neveu du chef de l’Etat Paul Biya. L’élu du peuple veut donner plus de tonus à ses affaires. Des arguments non négligeables qui ont vite fait de faciliter l’injonction de Paul Biya au directeur général du PAK de signer un partenariat avec ICTSI.
Autres arguments qui ont pesé lourd, l’offre d’entrée. Les philippins ont mis sur la table-de manière virtuelle- 50 millions d’Euros. Soit 33 milliards de FCFA. Ici, il n’y a pas de problème. Des curiosités commencent à poindre lorsque l’on parle des rendements qu’en visage cette nouvelle entreprise qui projette le traitement de 1 4 00 000 tonnes de marchandise par an sur un quai. Une projection qui fait sourire des habitués des questions de manutention. « En clair, même sous la pluie, comme Kribi est une zone côtière, il y aura un même rythme de travail. Cela veut dire, même quand l’Etat aura décrété ses jours fériés, ICTSI n’en tiendra pas compte, et donc les droits des travailleurs sont déjà en danger », observe un fin connaisseur de cette entreprise.
Qui ajoute. « Avec 1 400 000 tonnes par an, il faudra décharger 4000 tonnes par jour sans fériés ni pluies alors que si on prend les normes d’utilisation dans les ports tropicaux avec des taux d’occupation de 65 %, ça veut dire qu’ils prétendent manutentionner 6000 tonnes par jour. Une proposition irréaliste d’autant plus qu’ils n’ont aucune expérience ni dans le conventionnel ni dans les ports africains. D’où viendront les marchandises ? »
Dans les couloirs décisionnels à Yaoundé, il se susurre déjà que cette entreprise négocie un moratoire étalé sur plusieurs années pour payer les 33 milliards proposés. « S’achemine-t-on encore vers un marché de dupes comme sur le terminal à conteneurs de Kribi. En plus, il est annoncé que les philippins prendront possession du port dès le 1er octobre 2020. Pourquoi tant de précipitation pourtant selon le contrat en préparation cette entreprise après signature, a 4 mois pour s’installer. Le contrat est-il déjà signé en catimini ? »Se demande une gorge profonde.
Si au Cameroun la présidence de la République a vite fait d’annoncer le 5 juin 2020 que le directeur général du PAK signe un partenariat avec les philippins, sur le site internet d’ICTSI, il existe de nombreux rapports et communiqués de presse depuis le 1er juin 2020. Mais aucune trace, jusqu’à ce que nous mettions en ligne, du gros lot qu’ils viennent de décrocher à Kribi.
A Yaoundé, Bonaventure Assam Mvondo lui, se frotte les mains malgré les propositions surréalistes de son partenaire, fier sans doute de mettre à mal le made in Cameroon portuaire qui gérait jusque-là le terminal polyvalent avec « efficacité », selon des observateurs avertis. « Les camerounais de KPMO qui ont traité 75 navires en 22 mois sont priés de plier bagages dès le 30 septembre 2020 alors qu’ils venaient d’introduire un projet ambitieux d’investissement de 1500 milliards incluant la construction de deux quais minéraliers et d’une ligne de chemin de fer qui décongestionneront le port de Kribi. Tout cela sera-t-il rejeté ? Wait and see », indique un transitaire au fait de l’évolution du port en eau profonde de Kribi.
Aloys Onana