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Françoise PUENE : « Le sexe n’est pas un moyen pour réussir»

by EDC
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Elle est née le 28 février 1967. À 53 ans, la Présidente directrice générale de Franco Hôtel n’a pas dit son dernier mot dans l’univers du business au Cameroun.

Ses défis actuels, contribuer au bonheur du prochain, permettre aux femmes et aux jeunes de se prendre en main, d’investir dans l’auto emploi. Seuls gages pour réussir dans cette société où de mauvais exemples ont pignon sur rue.

Investisseurs : Le moi, dit-on est haïssable. Pour autant, un mot sur vous-même ?  

Françoise Puene : Communément appelée depuis quelques années ‘’ Mamy Nyanga’’,  je suis née dans la Région de l’Ouest, dans le département du haut Nkam. C’est vrai que je n’aime pas parler des replis identitaires, parce qu’il faut reconnaître que tous les discours de haine nés aujourd’hui viennent surtout du fait que chacun veut se définir en fonction de ses origines  géographiques. Je suis quand même née à Bafang, dans le village Banka. Je suis une self made woman, autodidacte assumée.

J’ai eu une enfance beaucoup plus compliquée, j’ai fait un mariage précoce. J’y suis allée, j’avais à peine 15 ans, et mon mari avait une quarantaine d’épouses. C’est pour cela que j’ai un parcours atypique et c’est pour cette raison que je me suis engagée depuis une dizaine d’années maintenant à accompagner les jeunes, à les former, à les soutenir, à les emmener à plus de détermination, à avoir davantage la foi en eux, car j’ai vu qu’il y avait ce vide. Vous savez, être une femme au Cameroun est un problème.

Une femme manager ?

Une femme même ! Une femme tout court, c’est un problème. Maintenant, être une femme cheffe d’entreprise au niveau où je suis qui est assez respectable, il faut reconnaître que ce n’est pas toujours facile parce que nous sommes dans une société qui est dominée par le masculin. Mais parce que j’ai de la détermination, de l’audace, je me suis pratiquement hissée dans ce milieu qui est, on va dire, très difficile.

Comment Franco Hôtel se porte-t-il « après » covid-19 ?

L’après corona virus est encore une apparence. Il faut reconnaitre que les entreprises comme l’hôtel Franco qui dépend complètement de touristes d’affaires n’a pas encore repris ses activités. Le taux d’occupation aujourd’hui est à 2, 3, 4 %. C’est nul. C’est complètement zéro. Nous dépendons vraiment des autres. Vous savez, les camerounais ne vont pas à l’hôtel. Nous avons trois difficultés aujourd’hui. Nous avons certes, le coronavirus, mais nous avons aussi le fait que les fonctionnaires, les autres camerounais ont construit les appartements meublés partout et qui font une grosse concurrence déloyale aux hôtels, une concurrence qui n’est pas régulée. Le deuxième problème, c’est donc le corona qui est encore là, de nombreux pays ont confiné leurs populations. Le troisième problème, les entreprises qui faisaient des séminaires, des voyages, le font désormais par vidéo conférence. Nous sommes paralysés de tous côtés. Nous gardons espoir, qu’avec la venue d’un vaccin, les frontières vont rouvrir.  Quand j’ai eu le privilège d’être conviée la dernière fois à une réunion organisée par le Premier ministre, j’ai pensé qu’il fallait certes sauver le tissus économique, les investissements, mais trouver des stratégies qui emmèneraient les camerounais à s’intéresser au tourisme, et à consommer camerounais, aller dans les hôtels.

Une idée sur les pertes financières de Franco du fait de la pandémie du covid-19 ?

Jusqu’au mois d’octobre 2020, nous étions à 669 millions de francs. Un mois et demi après, il faut ajouter au moins 20%.

Lors  des rencontres économiques où les femmes sont appelées à se prononcer sur les réalités du business, elles se plaignent des barrières diverses. Comment peuvent-elles les aborder chacune à son niveau ?

Les femmes ont beaucoup de difficultés. Mais il faut reconnaitre que les femmes se créent des difficultés elles-mêmes ! Il y en a qui n’arrivent pas à se donner de la valeur.  On dit que « le remède de la femme, c’est la femme ». Pourquoi cela ? Les femmes sont diminuées depuis les cellules familiales par les femmes ! Quand vous avez deux enfants à la maison, une fille et garçon, le garçon doit hériter des parents. Les deux vont à l’école. De retour, la maman invite la fille à faire des tâches ménagères. Pendant que le garçon étudie, va voir un match de foot, un film avec son père. C’est cela la discrimination. Là, on est encore à la cellule familiale ! Qui a discriminé la femme ? Ce n’est pas sa propre mère ? Et c’est pour cela que j’invite les femmes à être responsables de leur propre turpitude. Ça ne s’arrête pas là. Quand les parents décèdent, qu’on partage l’héritage, on considère que la fille, ou est déjà allée en mariage, ou va aller en mariage. Elle est encore exclue ! Alors que s’il y avait eu équilibre au sein de la cellule familiale et qu’elle avait bénéficié de sa part de partage des biens, elle devrait aller s’imposer dans son ménage avec sa fortune familiale qu’elle devrait disposer déjà. Or, quand elle va en mariage, elle y va bras ballants ! Imaginez aujourd’hui moi, cherchant un mariage ! Si je claque le petit doigt que je veux le mariage, vous savez combien de milliers d’hommes vont arriver ? Ils vont arriver pourquoi ? Parce que je suis fortunée. Parce que je suis fortunée ! Et si les filles pouvaient partir de la cellule familiale pour aller en mariage et qu’elles avaient déjà hérité des biens de leurs parents, elles sécuriseraient leur foyer avec leur propre fortune. Mais quand elles arrivent bras ballants, elles sont diminuées. On leur a demandé de se soumettre, une ligne éditoriale assénée pour leur foyer ! Elles y vont donc, tout ce qui est mauvais, c’est elles et elles ne peuvent pas lever le petit doigt. Quand vous avez une femme, et qu’elle  peut répondre par elle-même, elle est respectée. Mais si elle attend tout de vous : coiffure, besoins personnels etc. elle est diminuée. Elle est ainsi par qui ? C’est d’abord par sa mère. Les mères diminuent leur (s) fille (s). Il faut reconnaître que la femme c’est le moteur de la famille. Elle n’a pas été capable de donner de la valeur à sa propre fille. Du coup elle va en mariage dans la pauvreté, dans la misère, on la regarde là-bas à ce titre. C’est pour cela que beaucoup de ménages ne fonctionnent pas bien à cause du fait que les femmes ne se sont pas données de la valeur, ni à leurs enfants, ni à leurs filles. C’est une grosse conséquence qui les poursuit jusqu’à la fin de leur vie.

Votre ambition pour régler à votre manière ce type de handicap ?

Je suis entrain de mettre sur pied un nouveau concept, des femmes de 55 à 70 ans. Car 80% des femmes de cette tranche d’âge sont divorcées. Pendant qu’une a vécu avec son mari, elle ne s’est pas donnée de la valeur. Elle a passé son temps à être sous couvert de son mari. Et dès qu’elle franchit la retraite à 55 ans, 57 ans, elle a deux voies. La première, que son mari tombe amoureux d’une autre fille, car même pour séduire son mari, elle n’en n’est plus capable, d’où l’arrivée directe ou indirecte d’une autre jeune fille dans le cœur de son mari. Et comme on dit que le remède de la femme c’est la femme, celle-là devient donc sa concurrente, son remède à elle. La deuxième voie qui lui reste, c’est d’abandonner son mari, et pleurnichant, d’aller détruire le ménage de ses enfants, puisque dans sa propre famille, elle n’a plus d’issue, elle n’a plus où aller. Il faut donc aller vivre soit chez sa fille, soit chez son fils et quand elle y va pour une très longue période, elle finit par détruire le ménage de son enfant. C’est une grosse mauvaise chaine qui se poursuit. C’est pour cela que je dis, d’ici à 2021, je vais lancer un nouveau concept pour former la femme à la prise en main définitive car les femmes travaillent beaucoup, c’est elles qui construisent la famille. Mais comme elles n’arrivent pas à être audacieuses, eh bien, à la fin, elles n’ont rien. L’ennemie de la femme, c’est la femme.

Vos défis pour valoriser la femme semblent bien nombreux. Surtout pour les emmener à savoir investir et à se donner de la valeur…

Depuis quelques années, j’ai décidé de donner un nouveau sens à ma vie. Contribuer au bonheur du prochain. Tout simplement. C’est pour cela que j’ai créé le Mamy Nyanga Master class, Mamy Nyanga Tour, Mamy Nyanga Entrepreneurship network, et très récemment, j’ai été désignée par le gouvernement camerounais comme ambassadrice de Youth Connect, pour porter ce projet de la jeunesse auprès de l’Etat du Cameroun. Je suis au four et moulin pour trouver les voies plus gaies à la jeunesse et aux femmes au Cameroun, les sortir de leurs difficultés, de la pauvreté. Je viens de terminer avec le cap de Bertoua, j’ai fait toutes les 10 Régions pour parler aux jeunes et aux femmes. 

Les jeunes filles qui vont vous lire et qui sont convaincues de leur charmes physiques peuvent-elles- compter sur leur intimité ? Plus directement, le sexe est-il un moyen pour réussir dans l’entrepreneuriat féminin ?

Non ! Malheureusement. On ne peut pas réussir par le sexe. Le sexe n’est pas un moyen pour réussir dans l’univers de l’entrepreneuriat. Cela trompe beaucoup de femmes. Les jeunes filles justement qui échouent, une très grande partie d’entre elles, échouent par le sexe. Elles passent le temps à être distraites par les hommes. Elles ne sont pas concentrées. Il y en a qui sortent le matin pour leur magasin. Elles reçoivent un coup de fil d’un mec pour aller à un déjeuner, elles laissent tout tomber.

Mme Puene ne peut pas compter sur le sexe ?

Je ne peux pas compter sur le sexe moi ! Moi je compte sur mon travail et je sais que je mérite par mon travail. On ne peut pas mériter par le sexe. Ce n’est pas possible. Certains parlent d’avoir un piston. Cela a fragilisé la jeunesse. Le mauvais modèle est mis en exergue. L’enrichissement illicite, les arrangements. Le tribalisme, l’incivisme, le nombrilisme, tout cela a fragilisé la jeunesse.  J’ai été très heureuse qu’on me confie cette charge d’ambassadrice de Youth Connect Cameroon. J’ai dit pour une fois, quelqu’un est là où il faut, pas parce qu’il s’agit de moi. Mais parce qu’il faut quelqu’un qui saura encore donner plus d’éléments aux jeunes pour qu’ils croient à l’entrepreneuriat. Aujourd’hui les fonctionnaires sont les plus riches, ils ne s’en cachent pas, tout le monde les voit, à Yaoundé, Douala où les fonctionnaires construisent de grands immeubles. Cela a fragilisé les jeunes car ils pensent que le salut se cache à l’ENAM (Ecole nationale d’administration et de magistrature). La fonction publique est devenue le nouvel eldorado de la jeunesse camerounaise. C’est très grave. Avec cela, on ne peut pas construire le pays. Que les jeunes investissent  dans l’entrepreneuriat, l’auto emploi pour lutter contre le chômage et réduire la pauvreté. Il n’y a pas un miracle à faire.

Propos recueillis par

Aloys ONANA

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