Le Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam) a publié le 6 avril 2020 le ‘’tableau de bord de l’économie du Cameroun’’ au 3e trimestre 2019.
Mauvais climat des affaires
Au cours du troisième trimestre 2019, une grande proportion des chefs d’entreprises indique avoir observé une dégradations significative de leurs chiffres d’affaires par rapport au trimestre précédent. En effet, 75% des chefs d’entreprises ont observé, soit une stagnation, soit un ralentissement de leurs activités contre 65 % au cours du trimestre précédent. Dans un profil temporel, cette baisse observée dans les activités des entreprises est de plus en plus importante depuis plus d’un an. En effet, la proportion des chefs d’entreprise ayant observé une baisse au cours du 3e trimestre de 2019 est de 44,88% et est la plus élevée depuis le 4e trimestre 2018 (18%). Cette proportion a ainsi évolué pour être à 32% au 1er trimestre 2019 et 40% au 2e trimestre 2019. Par ailleurs, les opinions concernant l’évolution des stocks sont relativement optimistes avec cependant une intensité moindre observée entre le 2e et au 3e trimestre. Ces opinions expriment pour 22,41%, une baisse par rapport au trimestre précédent (29%).
Pression fiscale
La pression fiscale est de plus en plus perceptible, note le Gicam. En effet, la proportion de chefs d’entreprises indiquant avoir ressenti un desserrement de l’étau fiscal n’a jamais dépassé 10 % au cours des quatre derniers trimestres. A l’opposé, un nombre toujours plus important de chefs d’entreprises se plaignent de la hausse de l’étreinte fiscale tant en ce qui concerne les taux que les procédures. De manière chiffrée, 60,34 % des patrons pointent ladite pression fiscale, 31,03 % la trouvent stable, 6,90 % pensent qu’elle est en baisse.
De manière spécifique, des chefs d’entreprises ont par exemple déploré l’anachronisme et le caractère improductif de certaines dispositions fiscales. A titre illustratif, les pouvoirs publics affichent leur volonté de promouvoir les exportations bois débité, mais en même temps, augmentent les taxes à l’exportation tant sur les grumes que sur le bois débité. Ont également été évoqué, la résurgence de divers contrôles fiscaux et parafiscaux, couplée au chevauchement de ceux-ci, la subjectivité de certains contrôleurs qui conduisent de manière peu efficace des missions de contrôle qui se terminent souvent par des redressements fallacieux, disproportionnés et exorbitants, l’interprétation à vitesse variable, d’un contrôleur à un autre, des dispositions de la loi de finances 2020.
Le poids de la fiscalité pèse particulièrement sur la trésorerie dont la dégradation est observée auprès de 46,5% des chefs d’entreprises. A l’évidence, ces difficultés de trésorerie influencent la capacité d’auto-financement des entreprises et déteint sur leurs capacités à emprunter ; d’où une tendance à l’endettement en déclin, selon les avis recueillis au 3e 2019. S’agissant particulièrement de la trésorerie, la proportion de chefs d’entreprises ayant observé une dégradation de près de 44% à 46%. Les opinions s’étant exprimé pour une hausse de cet indicateur est passé de 27% à 12%. « Comme déjà relevé, la perception d’une fiscalité au caractère de plus en plus contraignant s’est accentuée. De 41,8 % au 2èmetrimestre, ce sont désormais 60,34 % des chefs d’entreprises qui se disent impactés par l’augmentation de la pression fiscale ; cette proportion rejoint ainsi son niveau observé au 1er trimestre. Ceci est d’autant plus préoccupant qu’au 1er trimestre, la perception pouvait se justifier par l’entrée en vigueur des innovations de la loi de finances », souligne le premier patronat du Cameroun.
Malgré ces difficultés, apprend-on, une bonne proportion des entreprises a maintenu inchangé, la taille de leurs effectifs, soit 60 % contre 61,82 % au 2e trimestre. Cette tendance s’est maintenue depuis le début d’année 2019.
Environnement des affaires
12 paramètres ont été retenus pour évaluer le poids des faiblesses internes aux entreprises, ou des menaces relatives à l’environnement externe des affaires. Parmi eux, les tracasseries administratives, l’insécurité, notamment en lien avec la situation des régions du Nord- Ouest et du Sud-ouest, et les difficultés d’accès aux devises sont les entraves qui, aux yeux des chefs d’entreprises, ont constitué les menaces les plus répandues au cours du 3e trimestre 2019. 79,3% des chefs d’entreprises interrogés en ce moment-là pointent du doigt les tracasseries administratives comme entraves très importantes (32,7%) ou importantes (46,5%) au développement de leurs affaires. Manifestement, les interrelations « houleuses » avec les services du fisc ne devraient pas être étrangers à cette perception. En termes d’envergure, l’insécurité se présente comme la seconde entrave la plus ressentie par les chefs d’entreprises. L’impact de la crise anglophone a été ressenti de manière très importante ou importante par plus de 72 % des chefs d’entreprises. Cette proportion était de 80 %au 2e trimestre. Les difficultés d’accès aux devises continuent de peser négativement sur l’activité des entreprises. 72,4% des chefs d’entreprises interrogés estiment que celles-ci ont été un handicap important ou très important pour leurs affaires au cours du trimestre.
Il convient cependant de relever que l’intensité de ce facteur paraît moins forte (tout au moins au regard de la baisse des opinions estimant que son impact est très important, qui passe de 72% à 55%). Ceci donne à penser, analyse le Gicam, que les actions de d’informations et les mesures prises par la Banque centrale commencent à porter des fruits. La troisième entrave au développement des affaires au cours du trimestre concerne l’insuffisance de la demande. Au total, 69 % des chefs d’entreprises estiment avoir rencontré des difficultés très importantes ou importantes à vendre leurs produits/services. Le poids de ce facteur est sans doute à mettre en lien avec les problématiques sécuritaires qui limitent l’accès à de pans importants du territoire national . L’ampleur de cette contrainte a explosé car il n’avait été évoqué que par 52 % des chefs d’entreprises au trimestre 2.
La concurrence déloyale, l’insuffisance d’énergie électrique (37,93 % de patrons la déplore) et des autres infrastructures, le retard des paiements( plainte de 34,48 % de patrons), les difficultés d’accès aux financements, 34,48 % de créateurs de richesses le relèvent . « Par ailleurs, les préoccupations liées aux équipements, aux capacités installées et aux recrutements et à la main d’œuvre ne semblent pas avoir particulièrement gêné les chefs d’entreprises. D’autres préoccupations ont été évoquées par les chefs d’entreprises telles que les tarifs portuaires qui ne cessent d’augmenter, l’absence ou la faible régulation dans la distribution des contenus audiovisuels et la grande distribution », explique le Gicam.
A l’en croire, de manière générale, les chefs d’entreprises relèvent plusieurs autres facteurs exogènes qui ont contribué à plomber leurs activités au cours du 3e trimestre 2019 : l’augmentation de certains tarifs au port de Douala (redevances, location d’espace, taxe au conteneur), la concurrence déloyale dans certains secteurs et la faible prise en main de ses nouvelles missions par l’administration en charge des normes , observent les experts du Gicam.
Investissements stables
Pour ce qui est des investissements, des opinions exprimées, il ressort une tendance à la stabilité, à 43,10 %. Par contre, 27 % des patrons observent que leurs investissements ont été en baisse, et pour 20 %, ils ont été en hausse. En comparaison avec la même période de l’année antérieure, un autre indicateur reflète la dégradation continue des conditions d’activité des entreprises.
Facilités au NOSO&Extrême Nord
Les chefs d’entreprises ont été interrogé sur le poids des six facteurs dans les performances réalisées par leurs unités de production. Des avis ont été recueillis et un facteur a été rajouté à savoir le Statut spécial de Zone Economiquement Sinistré attribué aux régions du Sud-ouest , Nord-Ouest et Extrême-Nord. A l’analyse des avis des chefs d’entreprises, au cours du 3e trimestre 2019, il apparaît que très peu d’opportunités se sont présentées. S’agissant par exemple du Statut de zone économiquement sinistré attribué au SW, NW et EN, la proportion des chefs d’entreprises qui pensent que l’influence de ce statut a influencé leurs activités est très faible (10,34%). A l’opposé, plus de la moitié (50,90%) pense que l’impact est peu important. « Le fait que le contenu de ce statut ne soit pas encore maitrisé pourrait expliquer cette tendance », argue -t-on. Sur un autre plan, la perception du rôle des facteurs comme l’accessibilité aux matières premières est relativement constante entre le 2e trimestre et le 3e (autour de 19%),mais en baisse de près de la moitié par rapport au 1er trimestre (47%). S’agissant du pouvoir d’achat des consommateurs, les opinions indiquent dans une grande proportion (41,38%) que leur impact a été peu important. D’une manière générale, 46,55% pensent que l’environnement des affaires demeure un frein, et non une opportunité.
Projections 4e trimestre 2019
La tendance à la morosité se confirme, même par anticipation pour le 4e trimestre 2019.En effet, indique le Gicam, malgré une légère embellie sur la base du chiffre d’affaires (hausse de la proportion des opinions favorables passant de 32% à 39%), un sentiment global de pessimisme transparaît des avis exprimés sur l’évolution anticipée des autres indicateurs. C’est ainsi que la majorité redoute une pression fiscale plus forte (48%) ou à minima stable (31%).Il en découle de cet environnement hostile des anticipations prudentes sur les projections en termes d’investissements et de recrutements et même d’endettement. La proportion de chefs d’entreprises qui projettent de procéder à des recrutements pour accroître leurs effectifs reste inférieure à 10 %.
Propositions
Les chefs d’entreprises se sont une fois de plus exprimés sur la nécessité d’une régulation adéquate de certains secteurs spécifiques (jeux de hasard, diffusion de contenus TV, transport, télécoms, services financiers…), Ces chefs d’entreprises attendent ensuite une meilleure diligence des démembrements de l’administration fiscale sur le terrain, à l’effet de suivre scrupuleusement les contrôles fiscaux, réduire les chevauchements desdits contrôles et assurer un meilleur respect des dispositions fiscales.
A.O