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Guerre en Ukraine : le philosophe camerounais Joseph Ndzomo Molé accuse les USA et félicite Poutine

by EDC
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Je tiens l’OTAN, ennemie de la Russie, c’est-à-dire, en fait, les États-Unis d’Amérique, pour responsable de ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine. J’explique la réaction de la Russie en invoquant l’idée spinozienne du conatus, l’effort que fait tout ce qui vit, tout individu, pour se conserver et se reproduire : «Chaque chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans l’existence». Cette règle est sans exception. Il faut se mettre à la place de Poutine. En 1990, lors de la dislocation de l’URSS, James Baker, le Secrétariat d’État américain, avait rassuré que l’OTAN n’étendrait pas «d’un pouce» son influence en Europe orientale ; cet accord a été allègrement bafoué, et la Russie, héritière de l’URSS, se trouve aujourd’hui de plus en plus encerclée par l’OTAN, outil stratégique des États-Unis d’Amérique. Les missiles ennemis sont pratiquement aux portes de la Russie. Comme le dit Cicéron, « crescit in dies singulos numerus hostium» – le nombre des ennemis croît chaque jour davantage : bientôt, entre la Russie et la zone d’influence de l’OTAN, donc des États-Unis, il n’y a plus guère d’États-tempons. 

   Qu’est-ce que la sagesse recommande au Chef d’État, au Prince, pour parler comme Machiavel, de faire dans ce cas ? Je recommande de lire «le Prince» de Machiavel en se libérant des blocages traditionnels qui nous empêchent d’étudier ce penseur politique exceptionnellement profond, et qui est aussi, sans doute, le plus calomnié de tous les temps. Qu’est dont censé faire un prince avisé face à une telle situation ? Le prince avisé est d’abord doté d’une intelligence de deuxième catégorie au moins – celui qui comprend vite ce qu’on lui explique dans le cadre de la gestion des affaires de l’État, dans le meilleur des cas, il est d’une intelligence de première classe, c’est-à-dire capable d’initiatives opportunes, d’anticipations heureuses.

 Poutine est un prince doté d’une intelligence politique de premier ordre : qui n’est pas capable d’anticipations ne doit pas se mêler d’avoir de grandes ambitions en politique. Les phénomènes politiques sont analogues à cette maladie dont parle Machiavel : très facile à soigner à ses débuts mais très difficile à diagnostiquer à ce stade ; très facile à diagnostiquer quand elle est déjà développée, mais très difficile à soigner en compensation. Si Poutine se laisse berner par ces allégations de nature morale, mais d’une morale subjective, «Moralität» pour parler comme Hegel, qui n’a rien à voir avec la morale objective, «Sittlickeit», à laquelle le prince fait face dans l’exercice de ses fonctions, s’il n’anticipe pas et ne prend pas une décision opportune, c’en est fait de la Russie, et c’est lui,  Poutine, qui en endosse la responsabilité, l’énorme responsabilité  historique:«Faire de la politique, c’est prévoir, et aucun homme politique ne peut avoir l’excuse de n’avoir pas prévu» dit Maurice Merleau-Ponty ; et Epicure disait aussi :«Seuls les sots ont le malheur pour professeur».

   La politique, science de l’État, nous apprend Machiavel avec raison, n’est pas l’affaire des «moutons», des herbivores – Hegel dira que ce n’est pas l’affaire de la «belle âme» – «schöne Selle»-, mais celle des fauves, dont les deux modèles sont le renard, incarnation de la ruse, et le lion, incarnation de la force. Le bon prince, et Poutine en est un, dans l’exercice de ses fonctions, a intérêt à avoir une parfaite maîtrise de la science de la ruse et de celle-ci la force; s’il faut choisir entre se faire aimer et se faire craindre, comme Poutine par la soi-disant Communauté internationale, son parti est vite choisi : Poutine n’est pas une belle-âme, un mouton politique, homme à se faire ligoter par les sermons de l’Occident. Il sait, de science politique et d’expérience politique, qu’un prince avisé, comme lui, ne peut pas tolérer l’installation de bases militaires étrangères dans son territoire de commandement, ou à proximité, dans sa zone d’influence.

Machiavel nous montre que c’est la porte d’entrée pour une invasion ; Poutine sait que s’il fait preuve de pusillanimité, l’OTAN, ennemie naturelle de la Russie, en finira avec celle-ci, comme elle en a fini avec l’URSS dont il a la nostalgie. Poutine est, pour la Russie, le «rédempteur» que Machiavel appelait de ses vœux dans la personne de Laurent de Médicis, prince de Florence dans une Italie divisée, partagée entre les puissances européennes, dont Rome, c’est-à-dire la Papauté.

Il est possible que Poutine ait lu Machiavel, qui enseigne qu’un prince avisé «se bat avec ses propres armes» et son peuple, sans «amis» – mercenaires ou soi-disant alliés. C’est pour cela qu’il a modernisé son armée, puisque «si vis pacem, para bellum» – si tu veux la paix, prépare la guerre. Car, en cas de victoire, le prince qui compte sur «les amis» devient leur otage – je pense que l’Ukraine est dans ce cas -, et dès le moindre revers, alliés et mercenaires plient bagages, leurs «impedimenta», c’est-à-dire leur équipement militaire, et vous abandonnent à votre sort : on n’est héros que dans sa propre cause, en combattant pour ses Pénates, ses dieux, son dieu, ses ancêtres, sa patrie, sa nation. La cause des Ukrainiens n’est pas celle des États-Unis d’Amérique et de leurs alliés stratégiques. Pourquoi les États-Unis d’Amérique exigent-ils que la Russie, héritière de l’URSS, accepte ce qu’ils ont eux-mêmes refusé en 1962 dans la Baie des cochons quand l’URSS y avait installé ses missiles ?

Joseph Ndzomo Molé

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