Dans cette lettre ouverte au chef de l’Etat Paul Biya [au pouvoir depuis le 6 novembre 1982, Ndlr] analyse, chiffres à l’appui, ce qui pourrait conduire le Cameroun à accéder aux financements nécessaires à son développement socio-économique.
LETTRE OUVERTE À S.E.M. PAUL BIYA, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN.
Objet: Appel à la retraite, ouverture et transparence du processus de transition pour assurer la matérialisation de la vision d’émergence du Cameroun à l’horizon 2035.
Son Excellence Monsieur le Président,
C’est épris de peur pour ma vie et d’inquiétude pour l’avenir du Cameroun, que le jeune trentenaire, Banquier-Consultant que je suis, vous adresse révérencieusement cette lettre ouverte qui va à l’encontre des appels à votre candidature pour l’élection présidentielle 2025, lancés depuis quelque temps sur l’étendue du territoire national par vos laudateurs. Une candidature de trop, qui pourrait détruire tous les efforts que vous avez entrepris jusqu’ici pour faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035. Je parle d’efforts, car il me souvient qu’en Décembre 2018 lors de votre traditionnel discours de fin d’année adressé à la nation, vous nous avez rassurés de ce que le Cameroun sera un pays émergent dans une quinzaine d’années, correspondant selon vous à l’aboutissement d’une « stratégie de développement articulée en trois temps : les grandes ambitions, les grandes réalisations et les grandes opportunités », dont la dernière étape, vous l’espériez, devrait nous conduire au seuil de l’émergence, traçant ainsi la feuille de route du nouveau septennat dit des « Grandes opportunités » dans lequel nous entrions. C’est cette feuille de route, dont l’objectif principal de l’action gouvernementale demeure l’accès à l’émergence à l’horizon 2035, qui avait été présentée par vous, lors de votre communication spéciale au cours du conseil des ministres du 16 janvier 2019 au Palais de l’Unité.
Nous voici presque qu’au soir de ce septennat, et votre programme a été fragilisé par entre autres, la crise dite « anglophone » des régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest, la crise de la COVID-19, la mauvaise réputation de la gouvernance camerounaise qui a d’ailleurs conduit récemment et en moins d’un an à l’inscription du Cameroun sur la liste grise du GAFI (Groupe d’Action Financière) et son exclusion de l’initiative ITIE (initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives), ralentissant ainsi la matérialisation de la vision d’émergence du Cameroun à l’horizon 2035, or une vision exceptionnelle du fait de sa modélisation. Mais j’ai bien peur Excellence de vous dire en toute franchise et humblement, qu’aujourd’hui, en l’état actuel du pays et de ses réalités, vous représentez malheureusement, plus un frein à sa matérialisation qu’un atout. Pourquoi ?
L’atteinte par le Cameroun du stade de pays émergent, a été axée autour de deux programmes de transformation structurelle, dont le premier allait de 2010 à 2020 et était contenu dans le DSCE (Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi) avec pour pierre angulaire « les grands projets de première génération »; puis le second allant de 2020 à 2030 à travers la SND 30 (Stratégie Nationale de Développement 2020-2030) dont la pierre angulaire est un ensemble de soixante-douze (72) projets d’infrastructures productives baptisées « grands projets de deuxième génération », répartis dans huit (08) domaines précis. Sur ces soixante-douze (72) projets, les coûts de réalisation de soixante-six (66) d’entre eux ont été évalués, portant ainsi en fin 2023, le besoin en financement de la matérialisation de l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035 à 42 672,6 milliards de francs CFA, répartis ainsi qu’il suit :
- 37 631,2 milliards de francs CFA, soit 88,186%, pour les 48 projets dont les coûts de réalisation ont été évalués sur les 53 projets envisagés en modèle PPP (Partenariat Public-Privé) ;
- 5 041,4 milliards de francs CFA, soit 11,814%, pour les 18 projets dont les coûts de réalisation ont été évalués sur les 19 projets envisagés en modèle MOP (Maitrise d’Ouvrage Publique).
Cette répartition présente à suffisance, via le poids des besoins en financement en modèle PPP, notre quête d’investisseurs privés (nationaux et internationaux) dans l’accompagnement du Cameroun à la matérialisation de son émergence à l’horizon 2035. Et nous ne pouvons pas satisfaire ce besoin exclusivement avec l’apport des investisseurs privés nationaux dont la mobilisation pour financer la croissance de l’économie à long terme ne peut pas produire plus de 1000 milliards de francs CFA en un tour de table, sachant que les principaux acteurs ayant la capacité de financer l’économie à long terme sont la CNPS (Caisse Nationale de Prévoyance Sociale) et les Assurances du Cameroun du fait de leurs produits de mobilisation de l’épargne à long terme, et très faiblement les banques du fait de leur contrainte en capital. Une situation qui nous contraint à nouer des partenariats avec des investisseurs internationaux privés. Or pour y parvenir, nous devons remplir des conditions, gages d’attractivité de ces investisseurs internationaux privés, parmi lesquelles :
- Avoir un leader avec une santé, une capacité physique irréprochables et n’étant pas en âge très avancé, car les corolaires du contraire de ceux-ci sont :
- Un président âgé pourrait être perçu comme étant moins en phase avec les défis et les opportunités modernes auxquels le pays est confronté, ce qui pourrait influencer négativement la confiance des investisseurs dans la capacité du pays à rester compétitif sur la scène internationale ;
- L’absence de perspective de long terme en raison de l’âge avancé du président pourrait également susciter des préoccupations chez les investisseurs quant à la stabilité politique et économique à long terme du pays ;
- Manque de vision à long terme : Un président âgé pourrait être moins enclin à adopter des politiques et des réformes audacieuses nécessaires pour stimuler le développement économique à long terme, ce qui pourrait dissuader les investisseurs cherchant un engagement à long terme dans le pays ;
- Résistance au changement : Les investisseurs pourraient craindre que le président âgé soit moins disposé ou capable d’adopter des pratiques innovantes et des réformes nécessaires pour améliorer l’environnement des affaires et favoriser l’investissement étranger ;
- Incertitude politique : L’âge avancé du président pourrait susciter des préoccupations quant à la stabilité politique à moyen terme, car les investisseurs pourraient craindre l’incertitude liée à une éventuelle transition de pouvoir en raison de problèmes de santé ou de l’âge avancé du dirigeant et sa capacité à assumer pleinement ses responsabilités ;
- Perte de confiance : Les investisseurs pourraient percevoir un président âgé comme étant moins capable à maintenir la confiance du public et des acteurs économiques, ce qui pourrait affecter négativement le climat d’investissement dans le pays ;
- l’âge avancé d’un président peut également soulever des questions concernant sa capacité à s’engager pleinement dans la gestion quotidienne des affaires publiques. Les investisseurs et les acteurs du marché pourraient s’inquiéter de l’efficacité opérationnelle du gouvernement dans la mise en œuvre des projets PPP et dans la gestion des défis et des risques potentiels associés à ces projets.
- La transparence et la certitude doivent entourer les processus de transition politique et de succession présidentielle, car l’attractivité du pays sur le marché financier et bancaire global pourrait également être affectée par l’incertitude entourant la transition politique éventuelle et la capacité du prochain leadership à maintenir le cap sur les projets structurants, introduisant des éléments d’instabilité et de risque politique dans l’équation.
- Une image de qualité du pays sur la scène internationale, celle-ci étant influencée par la perception de la capacité du leadership à représenter adéquatement le pays dans les négociations et les partenariats internationaux. Des questions pourraient se poser quant à la capacité du président à entretenir des relations internationales fructueuses et à favoriser un climat propice aux investissements étrangers. il est important que les investisseurs perçoivent un leadership fort, capable et engagé pour maintenir l’attrait du pays sur les marchés financiers mondiaux, en particulier lorsqu’il s’agit de promouvoir des projets structurants à travers des modèles tels que les PPP.
- Etc.
Fort de ces quelques conditions, vous conviendrez avec moi, Son Excellence Monsieur le Président, que votre âge très avancé, l’absence de clarté et de lisibilité sur le profil de votre potentiel successeur à la tête de l’État, votre absence personnelle régulière aux fora et autres rencontres économiques (lieux de vente par excellence des qualités de nos projets PPP et notre marché), sans parler de votre forte culture de silence, ne favorisent pas la certitude de l’émergence à l’horizon 2035 du Cameroun, du fait de votre profil peu vendeur auprès des investisseurs. Voilà pourquoi Son Excellence Monsieur le Président, bien que la question de votre retraite soit un sujet délicat et complexe, surtout lorsqu’il s’agit de maintenir la stabilité politique et la continuité des politiques dans un pays, si vous avez cru un jour fermement à cette vision d’émergence, je vous exhorte à préparer votre prise de retraite en 2025, à ouvrir et à assurer la transparence du processus de transition à la tête du pays, pour assurer la matérialisation de la vision d’émergence du Cameroun à l’horizon 2035 en tenant compte des intérêts supérieurs du pays, car si le prochain septennat ne sert pas à lancer les projets d’infrastructures productives baptisées « grands projets de deuxième génération », le Cameroun ne saurait prétendre à l’horizon 2035 au statut de pays émergent. Dans le cadre des projets basés sur des modèles PPP, une transition politique ordonnée peut jouer un rôle crucial dans le maintien de la confiance des investisseurs et dans l’assurance d’un environnement favorable à la réalisation de ces projets. Il est important que le public ait une compréhension générale du processus de transition et des garanties démocratiques qui l’entourent, afin de préserver la légitimité du nouveau leadership.
Il y va de l’intérêt du Cameroun et de sa population constituée de jeunes à près de 70%, dont l’absence d’opportunités d’emplois et de carrières décents, les exposent à l’immigration clandestine, or cette jeunesse constitue plusieurs avantages pour le pays et les investisseurs en termes d’économie et de développement. Tout d’abord, une main-d’œuvre jeune peut être plus dynamique et adaptable, ce qui peut stimuler la croissance économique en rendant les entreprises plus compétitives sur le marché mondial. Les jeunes travailleurs ont souvent une plus grande propension à l’innovation et à l’entrepreneuriat, ce qui peut favoriser la création d’emplois et de nouvelles entreprises. De plus, une population jeune signifie généralement un plus grand nombre de personnes en âge de travailler par rapport aux personnes dépendantes (enfants et personnes âgées), ce qui peut potentiellement réduire la pression sur les systèmes de sécurité sociale et de santé. Les investisseurs peuvent voir dans une population jeune un potentiel de croissance économique à long terme, car ces jeunes travailleurs peuvent contribuer à l’expansion des entreprises et à l’innovation. De plus, une population jeune est souvent synonyme d’une demande croissante de biens de consommation, de logements, d’éducation, de divertissement et de services, ce qui peut créer des opportunités d’investissement dans divers secteurs économiques.
Son Excellence Monsieur le Président, je ne peux que vous exhorter davantage à nous permettre à voir plus clair dans l’après vous à la tête du pays, afin de mieux nous préparer à faire un choix judicieux de votre remplaçant à la tête du pays et nous outiller en conséquence pour l’accompagner, rôle constitutionnel dévolu aux moins de 35 ans. Si non, il serait intéressant que vous engagiez des réformes politiques et constitutionnel afin que des moins de 35 ans soient également éligibles à cette prestigieuse fonction, pour présenter la vision qu’ont les plus jeunes du Cameroun et leur potentiel programme de développement de celui-ci, d’autant plus que nous constituons la majorité de la population.
Ce choix judicieux devra être un candidat permettant au secteur privé de mieux participer à l’accompagnement du Cameroun à son émergence, d’autant plus que ce secteur privé a récemment fait fi de ses divisions en resserrant ses rangs autour d’une vision commune portée par le GECAM; un candidat permettant à la société civile d’être mieux impliquée dans la promotion de la bonne gouvernance par l’ensemble des parties prenantes (publique ou privée), ce que l’initiative ITIE nous reproche au regard de la note de 30/100 que nous avons obtenu au titre de l’engagement des OSC (Organismes de la Société Civile) et de la bonne gouvernance, justifiant entre autres notre exclusion de ladite initiative; Un candidat qui tient à la transparence, vous pouvez l’y encourager en signant le décret d’application de l’article 66 de notre constitution ; un candidat ayant en priorité l’humanisme, la lutte contre l’impunité et la lutte contre l’incivisme, il en va de la réputation du Cameroun ; Un candidat qui convaincra nos chers enseignants qu’ils ont leur place au Cameroun et que sans eux, nous ne pouvons rien bâtir de puissant d’autant plus que l’un des axes du DSCE était l’éducation et la formation; Un candidat qui convaincra nos médecins, infirmiers et autres acteurs de la santé que s’investir dans le développement d’un système de santé camerounais solide et prospère est plus que primordial pour assurer l’émergence du Cameroun ; etc.
J’aurai aimé vous dire tout ceci au cours d’une audience, mais ma génération est convaincue de ce que vous êtes d’une inaccessibilité indescriptible. Pourquoi cette distance ? Qui nous enseignera les défis propres à votre riche carrière ? Afin que nous soyons suffisamment outillés face aux défis à venir. Pensez à nous laisser vos mémoires. Quoi de mieux qu’une retraite méritée pour les rédiger ?
Vous en souhaitant bonne réception, recevez, Son Excellence Monsieur le Président, l’expression de mes meilleures salutations.
Révérencieusement.
Par M. Ange NGANDJO (Banquier-Consultant), Jeudi 25 Avril 2024.