Derrière la visite du chef de l’Etat français au Cameroun du 25 au 26 juillet 2022, se cache le doigté discret d’un acteur économique de premier rang. Célestin Tawamba, président du Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam).
Au micro de TV5 Monde Afrique le 25 juillet, le numéro un du Gicam revient sur le courrier envoyé à Emmanuel Macron le 8 juin 2022. « Nous avons écrit pour faire état de cette situation, pour tirer les conséquences que la guerre en Ukraine est un accélérateur des difficultés des pays africains au niveau de la sécurité alimentaire et puis, on a écrit pour faire état de ce que les mesures prises contre la Russie notamment l’embargo, avait des conséquences que nous n’avons pas souhaité. Il fallait donc attirer l’attention du président Macron qui est le président du Conseil de l’UE de la mise en œuvre des sanctions, notamment l’embargo empêchait aux entreprises africaines, camerounaises de faire des transactions avec l’Europe, notamment avec l’Ukraine et la Russie sur les produits essentiels comme le blé, comme les engrais. »
Le président du Gicam fustige en effet une politique inégale qui a cours dans cette guerre, et en filigrane, apparait déjà ce que le patron des patrons du Cameroun dira au numéro un français cet après midi. « L’Europe continue d’importer du gaz et du pétrole alors que nous africains, nous ne pouvons pas transiger, faire des opérations bancaires en direction notamment de la Russie, parce qu’il y a des sanctions. Il faut exempter les produits essentiels, indispensables pour les populations africaines parce que la famine aussi tue. Il est question face à ces sanctions de trouver une exemption. »
Le Gicam va à la rencontre de Yaoundé manifester son attachement à l’initiative FARM (Food and Agriculture Resilience Mission), lancée par Emmanuel Macron en mars 2022. Une idée qui promeut la souveraineté alimentaire. Car avait déclaré Macron lors de son lancement, « nous sommes en train de rentrer dans une crise alimentaire sans précédent. »
Le président français indiquait que des mesures seraient mises en place par la France notamment pour favoriser la production directement dans les pays les plus dépendants des exportations ukrainiennes en augmentant «significativement» «les investissements dans la production alimentaire durable et les chaînes de valeurs agricoles résilientes sur tous les continents», en se concentrant sur le développement de la production en Afrique.
« On s’en fout »
Que la France émette cette idée suscite des interrogations et des quolibets. Pour Célestin Tawamba, « du moment où il y a une bonne initiative, on s’en fout de là où elle peut venir. L’économie aujourd’hui est mondialisée. Il faut bien parler d’une économie où on a ouvert les barrières et les contraintes aujourd’hui liées à nos exportations, à nos économies sont aussi liées à toutes les contraintes. Les difficultés qui sont liées à nos économies sont aussi liées aux contraintes du marché international. »
Un bémol dans cette posture. « C’est nous qui émettons nos besoins. On ne peut plus admettre que ce soit les autres qui proposent des solutions à nos problèmes. C’est la raison pour laquelle au cours de cette rencontre, nous allons émettre nos besoins et la France ne peut apporter des solutions qu’à ce que nous allons proposer. Nous pensons que dans cette optique, nous avons bien un équilibre de celui qui apporte en respectant des identités, les intérêts des autres, en respectant également les valeurs culturelles de toutes les parties. »
FCFA
Célestin Tawamba rencontrera Emmanuel Macron. La question de la souveraineté alimentaire sera au cœur des échanges en grande partie. Mais sur TV5 Monde Afrique, l’homme qui pèse plus de 55 milliards de FCFA (données de 2016) jette son regard sur le FCFA. « La monnaie est un outil de politique économique et il revient aux États de se décider. Il ne suffit pas de changer le mot FCFA, de changer le nom pour que l’outil change. C’est pourquoi je pense que, même s’il faut reconnaitre que le FCFA peut renvoyer à des connotations coloniales, il n’en demeure pas moins qu’il a un avantage, un inconvénient. La politique économique revient aux États. C’est un choix politique. Il revient donc à nos dirigeants de prendre la décision, de questionner le développement de notre économie face au modèle de fonctionnement du FCFA. Il est aujourd’hui temps de se poser les questions si avec un tel système on peut véritablement industrialiser. »
Aussi, ajoute-t-il, « Il faut être capable de faire un choix. Je le dis encore, c’est aux politiques de prendre la bonne décision. L’économie va vous donner des réponses qui ont un prisme économique. Mais il y a une dimension politique qu’il faut être capable d’assumer, de gouverner, d’administrer. Se poser les questions, le modèle du FCFA peut-il permettre d’atteindre l’émergence ? Avoir une agriculture qui puisse permettre d’avoir une sécurité alimentaire à l’horizon 2030/ 2035 ? (..) présentement le FCFA ne joue qu’un rôle partiel… »
Aloys Onana