Certains managers jouissent tranquillement pendant de très longues périodes de deux hautes fonctions. Etoudi semble exceller dans la politique de deux poids deux mesures.
Pour l’heure, l’opinion camerounaise retiendra que le directeur général sortant de la Société nationale de raffinage (Sonara) est le seul à se voir vite, très vite remplacer à la tête de l’entreprise dont il tenait les rênes jusqu’au soir du 4 janvier 2019. Fin de la journée au cours de laquelle il a été fait ministre délégué à la présidence en charge des Marchés publics. Sept jours vont suffire – à l’exception des jours non ouvrables- de voir un nouveau patron, en la personne de Jean Paul Simo Djonou, désigné directeur général le 14 janvier, au terme du conseil d’administration extraordinaire tenu le même jour.
Mais avant ce conseil d’administration, une note du Secrétaire général de la présidence de la République dévoile le grand désir d’Etoudi de voir un autre manager remplacer Ibrahim Talba Malla dans les brefs délais. Floquée de la mention « très urgent », et datée du 9 janvier, Ferdinand Ngoh Ngoh fait savoir dans cette note au nouveau ministre délégué à la présidence chargé des Marchés publics que « sur très hautes instructions de monsieur le président de la République, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir prendre à titre exceptionnel, et jusqu’à la nomination d’un nouveau directeur général à la Sonara, les dispositions essentielles nécessaires à la continuité du fonctionnement de cette société. » Cinq jours plus tard, une nouvelle équipe managériale prendra fonction sur les bords de l’Océan Atlantique à Limbé.
La mutation d’un manager sans nul doute assurer la survie de l’entreprise ou de l’institution jadis occupée par le nouveau récipiendaire. Seulement au Cameroun, il s’agit d’une réalité à géométrie variable. Tant certains cumulent pendant de très longues périodes de multiples fonctions, avec tous les avantages qui vont avec. Le cas le plus emblématique reste l’actuel délégué général à la sûreté nationale. Nommé le 11 mars 2010 ambassadeur du Cameroun en Espagne – la même année au cours de laquelle il sera fait délégué général à la sûreté nationale (DGSN), Martin Mbarga Nguelé continue, sept ans plus tard, à être à califourchon entre les parapheurs de la police nationale et ceux de l’ambassade.
Une qui passe inaperçue, c’est Yao Aïssatou. Directeur général de la Société nationale d’investissement depuis 2009, la fille du lamido du Tcheboa est aussi membre influent de quelques conseils d’administrations. Pour rester sur le gouvernement du 4 janvier, de nombreux autres membres du gouvernement nouvellement promus vont devoir travailler sur deux chaises. C’est le cas de la maire de Bangangté, Célestine Ketcha Courtès. La nouvelle ministre de l’Habitat et du développement urbain tombe certes sous le coup de l’article 65 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2008 fixant les règles applicables aux communes et relatives au statut de maire qui stipule que « les fonctions de maires sont incompatibles avec les fonctions de membre du gouvernement et assimilé, député, et sénateur, autorité administrative… », mais certains de ses visiteurs du soir glissent que la ministre ne pourra pas se départir aussitôt de sa mairie, la voie par laquelle elle a frappé aux yeux de Yaoundé.
Njoya Zakariaou, préfet du Mayo Louti, Région du Nord, devra continuer à suivre le cahier de charges de sa préfecture, car n’ayant reçu aucune note urgente à l’instar de celle qu’a reçue le directeur général sortant de la Sonara.
Emile E. Nkoa