La démesure
Désormais le 8 mars sera à jamais gravé dans sa riche mémoire, qui porte une tonne d’informations classées « top secret » au regard de ses multiples fonctions qu’il a occupées. C’est ce jour-là, enfin, que le rouleau compresseur qu’il a lui-même contribué à l’élaboration du temps où il était tout puissant a décidé d’achever son repassage sur lui. A l’horizon donc, pointe un procès sans déclarations tonitruantes, sans trahison – Mebe Ngo’o est très fidèle- selon ses visiteurs du soir et il n’aime pas du tout trahir ou se faire trahir. Donc, a priori, aucun secret de la République ne sera dévoilé.
Mais le plus rocambolesque dans cette arrestation qui semble faire l’unanimité –jalousie, rancœur, vieilles guéguerres et envie folle de manipuler l’opinion aidant – c’est le nombre de biens réels ou supposés attribués à l’ancien ministre de la Défense. Tout ici puise dans la démesure et frise le ridicule. Une présumée surfacturation de 194 milliards de FCFA lui est attribuée ainsi qu’à ses acolytes. On en saura plus. Là, il s’agit de l’affaire Magforce qu’on ne présente plus. A côté de ce montant vertigineux, un autre. Les policiers qui ont perquisitionné sa résidence de Nkolfong (son village) ont laissé fuiter qu’ils ont trouvé 3 milliards de FCFA en liquide. Gigantesque ! Si cela était vrai. Côté véhicules, l’on parle 48, sans compter les 20 autres véhicules VIP appartenant à la société de location de voitures de l’épouse de Mebe Ngo’o.
Et là où la démesure atteint un autre pan de son paroxysme, c’est le nombre de costumes aux initiales du nom de l’ancien directeur du Cabinet civil de Paul Biya. 448 costumes ! De quoi ouvrir un supermarché de vêtements. Mais il faut dire que l’ancien patron de la police camerounaise est un habitué des choses disproportionnées. Si son accélération dans les hautes sphères de l’Etat en moins de dix ans relève du seul secret de Paul Biya, Mebe Ngo’o, lui, sur le terrain, n’a jamais affiché la sobriété de son « père ». D’impressionnants cortèges aux militaires cagoulés en passant par la démarche imitée du président Paul Biya, le fils de Zoétélé a toujours donné du tournis.
Les chiffres qui ont toujours été en lien avec cet ancien préfet auquel on impute la fêlure de la carrière politique de Titus Edzoa, Urbain Olanguena Awono, Jean Marie Atangana Mebara entre autres donnent des maux de tête. C’est le journaliste Jules Koum Koum de regretté mémoire qui commencera à soumettre l’opinion à ce pénible exercice dès 2010. Lui qui apprenait au monde que le plus célèbre prisonnier de Kondengui depuis le 8 mars 2019 avait 15 Renaud Safrane, 10 Renaud Express, 15 Peugeot 607 ; 10 Renaud Versatis, des véhicules, apprenait-on, qui étaient destinés à la société de Mme Mebe Ngo’o. Jules Koum Koum annonçait une Mercedes 500 Class S (valeur 112 millions), une Lexus 430 (95 millions), une Mercedes Class S nouvelle version (130 millions), deux Peugeot 607 (70 millions), deux Toyota Maxima (90 millions), un DS Citroën de collection année 1969 (20 millions). Les engins de BTP étaient aussi donnés. Vingt camions benne (20 millions/l’unité), trois bulldozers D7 (130 millions/ l’unité), quatre niveleuses (100 millions/l’unité), trois pelles chargeuses (80 millions/ l’unité), quatre compacteurs/60 millions l’unité)…
Si ces informations sont à prendre avec des pincettes, la vidéo de la maison attribuée à Mebe Ngo’o et qui a fait le tour de la toile le 8 mars au soir affiche un nombre important de luxueux véhicules dans la cour. La démesure qui particularise Mebe Ngo’o – il n’est pas seul- est certainement la conséquence de sa boulimie du matériel, mais aussi le fait du manager en chef de la République qui refuse l’application de l’article 66 de la Constitution camerounaise, qui nomme les mêmes aux postes juteux pour de très longues périodes et qui a érigé le ministère de la Défense, la police nationale, le cabinet civil en l’occurrence en zones infranchissables.
Aloys Onana