Le décret du 24 juillet est un pas décisif du gouvernement qui s’engage désormais à redorer le blason d’une industrie presqu’à l’abandon, tandis que nos grumes font la force d’autres économies.
Le président de la République Paul Biya a promulgué la loi 2024/008/ du 24 juillet 2024 portant régime des forêts et de la faune. En dehors de nombreux droits qui sont désormais dévolus aux communautés forestières dans ce décret, l’article 97 (1) est une révolution magistrale qui a toujours traîné. « Les grumes sont transformées en totalité par l’industrie locale. » l’alinéa 2 va plus loin et assène. « L’exportation des bois sous forme de grumes est interdite. »
Le texte du chef de l’Etat précise que la transformation des produits forestiers est un procédé ou une technologie consistant à modifier de manière provisoire ou définitive, un produit forestier extrait ou récolté en vue de sa consommation. Il ajoute que les unités de transformation des produits forestiers peuvent bénéficier du régime des incitations à l’investissement privé dans les conditions fixées par la règlementation en vigueur. « Toute unité de transformation du bois est tenue de valoriser ses déchets », indique l’article 100.
D’autres aspects retiennent l’attention parmi tant d’autres. « Les produits forestiers non ligneux destinés à l’exportation sont transformés par l’industrie locale selon un taux minimum fixé annuellement, par voie réglementaire, pour chaque produit », renseigne l’article 103.
L’interdiction de l’exportation des bois sous formes de grume est un sujet auquel tient le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN) du député de l’opposition Cabral Libii. Lors de la préparation de la loi de finances de l’année en cours, ce député avait fait remarquer que « contrairement aux pays voisins, le Cameroun peine à appliquer la mesure Cemac, encourageant de facto la poursuite de l’exploitation anarchique de nos forêts. Le taux de 60% applicable à l’entrée des bois en grume dans les points francs (proposition contenue dans le projet du gouvernement, Ndlr) industriels est une manière de poursuivre l’exportation des bois en grume chez les plus gros exploitants, dont les parcs de chargement dans les ports (Douala et Kribi) constituent des points francs. Il doit être purement et simplement supprimé », avait-il suggéré.
En signant le décret sus indiqué, Paul Biya prend de court ses pairs de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) qui, lors des travaux des ministres de cette communauté en mars 2024, ont indiqué qu’« à compter du 1er janvier 2025, les États membres de la Cemac et la République démocratique du Congo prennent, chacun en ce qui le concerne, les dispositions utiles pour l’interdiction, de manière progressive, des exportations de bois tropicaux sous forme de grumes. L’interdiction mentionnée à l’alinéa précédent s’étend intégralement et de façon absolue à tous les États concernés à compter du 1er janvier 2028. (…) Toutefois, les exportations sous forme de grumes restent autorisées entre pays de la Cemac, ainsi qu’avec la RD Congo, afin d’encourager les échanges industriels dans le cadre de l’activation des chaînes de valeurs transfrontalières », peut-on lire dans la décision signée par le Pr Richard Filakota, président du conseil des ministres de l’UEAC.
Bien plus, le décret du 24 juillet 2024 vient arrêter la mafia entretenue par le Vietnam et la Chine, deux pays qui, en 2018 par exemple, se partageaient le bois du Cameroun à hauteur de 30 % pour le premier et 63 % pour la seconde, 10 % pour l’Union européenne. Reste maintenant une question. L’État central va-t-il désormais se pencher sur le dossier de la Cellulose du Cameroun (Cellucam) qui produisait de la pâte à papier, employait plus de 1000 personnes et qui depuis plus de 30 ans, sommeille dans la broussaille à Edea?
Aloys Onana