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Tribune : la République populaire de Chine et Taïwan, pour le meilleur après le pire ?  

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Par Fabrice ONANA NTSA / PhD

Si les Relations Internationales sont marquées depuis plus d’un an par le conflit russo-ukrainien, nul ne doute que les incertitudes en Mer de Chine constituent tout aussi, un deuxième front majeur qui assombri la météo internationale et fragilisent davantage la paix mondiale. Depuis quelques jours, le détroit de Taïwan polarise l’attention en raison des nouvelles manœuvres orchestrées ici par les communistes de Pékin. La Chine populaire et Taïwan, une vieille question toujours jeune qui malheureusement pourrait conduire le monde vers un regrettable chaos. C’est l’occasion de s’arrêter sur cette affaire dans une démarche rétrospective et prospective afin de démêler les écheveaux nécessaires à la compréhension, la perception de ce foyer de tension en Asie du Sud Est.

  1. L’actualité : une énième manœuvre dissuasive chinoise au large de Taiwan.

Comme en Août dernier après la visite à Taipei de la présidente de la Chambre des Représentants américaine Nancy Pelosi, un détachement aérien de l’Armée Populaire de Libération a mené des manœuvres dans le détroit de Taïwan. Cette fois ci, il s’agit des représailles à la suite de la visite de la présidente taïwanaise Tsai Ing-Wen aux Etats-Unis d’Amérique la semaine dernière, et surtout sa rencontre avec le président de la Chambre américaine des Représentants, Kevin McCarthy. A l’image de son prédécesseur, la troisième personnalité politique américaine est donc à l’origine de cette nouvelle crise. En Août dernier, la colère chinoise ne s’était pas faite attendre. Dans le discours, c’est Wang Yi, alors ministre chinois des Affaires étrangères qui porta la voix de l’Empire du Milieu et déclarait : « ceux qui offensent la Chine devront être punis de façon inéluctable ». Dans les faits, 27 avions militaires chinois avaient pénétré la zone de défense aérienne taïwanaise, comme un ultimatum. Cette fois ci, après la rencontre Tsai Ing-Wen – McCarthy, la chine a immédiatement entreprit trois jours de manœuvres militaires autour de l’île, le paroxysme ayant été atteint ce lundi 10 avril. Le ministre de la Défense taïwanaise lui-même, dit avoir détecté 12 navires de guerre et 91 avions autour de l’île. C’est au tour de Wang Wenbin, porte-parole du ministère des Affaires étrangères de renchérir : « l’indépendance de Taïwan et, la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan s’excluent mutuellement ».

On a donc pris les mêmes et on a recommencé : la Chambre des Représentants américaine, Tsai Ing-Wen et le pouvoir de Pékin. On a recommencé un bal qui un jour tournera au vinaigre parce que la pomme de discorde est heureusement connue de tous. Pour la République Populaire de Chine, Taïwan fait partie intégrante de son territoire et pour rien au monde, elle est prête à négocier cette filiation.

  • Les raisons de l’intransigeance chinoise

    En 1949 à la naissance de la République Populaire, il y a un principe qui est resté immuable dans la politique étrangère chinoise : le principe de la Chine unique. En substance, ce principe stipule que la Chine et Taïwan forment une seule Chine. Il n’est pas possible d’établir une différence en entretenant des relations avec l’un et avec l’autre. Pour les communistes rouges de Pékin, Taïwan est chinoise et cela ne se négocie pas. Pour comprendre cette attitude, il faut prendre en compte trois dimensions à savoir historique, géographique et géopolitique.

La dimension historique rappelle que Taïwan dont l’ancien nom est l’île de Formose fait bel et bien partie de l’empire chinois dont la période de vie s’étale à de plus de deux millénaires. La difficulté commence pendant les traités inégaux qui ont assujetti la Chine aux puissances européennes et au Japon. Avec le Japon justement, le traité de Shimonoseki signé en 1895 contient parmi ses clauses, la cession de l’île de Formose au Japon. Cette île fera ainsi partie de l’empire colonial japonais pendant 50 ans. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la Chine récupère Taïwan. Sauf que, entre-temps, l’opposition entre communistes et nationalistes dans le cadre de la guerre civile chinoise, suit son cours. Au terme de celle-ci, les communistes victorieux fondent la République Populaire de Chine le 1er Octobre 1949 tandis que, les nationalistes, vaincus et conduits par Tchang Kai-Chek, se réfugient à Taïwan. Tchang Kai-Chek avec le soutien américain établit un pouvoir politique fort que va perpétuer son fils Chiang Ching-Kuo.

La dimension géographique nous exhorte à prendre en compte la proximité entre la Chine continentale et son île rebelle. La distance entre les deux espaces à vol d’oiseau est de presque 1969 km et par route 2697 km. Ce n’est donc pas aussi loin que ça. C’est la sécurité de la Chine qui est en jeu. En faisant fine bouche avec les provocations américaines à Taïwan, les autorités Zhongnanhai savent bien que c’est leur sécurité qu’elles exposent.

Il faut enfin intégrer la dimension géopolitique qui interroge les jeux et enjeux autour de la gouvernance mondiale. Il faut bien savoir que la question qui taraude tous les esprits aujourd’hui de Washington à Pékin en passant par Paris, Genève, Moscou, New Delhi et même Addis Abeba est celle de qui gouvernera le monde de demain. Les américains et les européens en difficultés en Afrique et dans le dossier ukrainien, peuvent penser pouvoir fragiliser la Chine à Taïwan. Les Russes ont décidé de montrer les muscles dans ce conflit avec l’Ukraine et ne sont pas prêts à lâcher prise. En Afrique, le sentiment anti-français s’enracine, encouragé par les offres alléchantes des nouveaux acteurs sur le continent. Les pays émergents quant à eux se structurent tout doucement et pensent bien être une alternative crédible demain. Dans un tel contexte de positionnement et de repositionnement, il est clair que la Chine Populaire ne va pas badiner avec la question de Taïwan.  D’ailleurs Xi Jinping lui-même l’a clairement fait savoir durant les commémorations marquant le centenaire du Parti Communiste Chinois et lors du dernier congrès de ce parti en Octobre dernier.

  • La solution est pourtant simple

Il est question de respecter le principe de la Chine unique. Il est connu aujourd’hui que les Etats qui disent entretenir des relations avec Taïwan sont automatiquement incapables d’en avoir aussi avec Pékin. Taiwan est chinoise et il serait bon de le respecter pour le bien de tous. C’est peut-être le lieu d’apprécier l’attitude du Président français dans l’une de ses dernières sorties. Emmanuel Macron, sur cette escalade chinoise à Taïwan a fait preuve d’une lucidité en déclarant que « la question qui nous est posée à nous européens est la suivante : avons-nous intérêt à une accélération sur ce sujet de Taïwan ? Non. La pire des choses serait de penser que nous, européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une sur réaction chinoise. Pourquoi devrions-nous aller au rythme choisi par les autres ? A un moment donné, nous devons nous poser la question de notre intérêt ».

Pour finir, la question de Taïwan est une pomme de discorde dont les différents connaissent les tenants et les aboutissants. Tout ce qui se passe est donc une simple provocation à laquelle la Chine répondra toujours au risque pour Taiwan et l’Humanité de passer par le pire pour avoir le meilleur.

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