Après deux années de silence, l’ancien ministre de l’Administration territorial et de la décentralisation invite les nouveaux maires et députés à s’exprimer sur certains faits palpables qui pourraient mieux éclairer le peuple tout entier qui aspire à l’émergence.
La lettre aux nouveaux élus de Marafa Hamidou Yaya date du 20 février 2020. Et dans celle-ci, de nombreux aspects de la vie du Cameroun sont examinés. La politique y occupe une place certes, mais l’économie l’emporte. L’ancien Secrétaire général à la Présidence de la République (SGPR) pense que les nouveaux élus devraient jeter une lumière crue sur ces questions afin que le peuple tout entier en prenne résolument conscience. En toile de fond, si l’économie du Cameroun se porte mal, pointe Marafa, c’est la conséquence de « l’irresponsabilité qui gouverne l’action publique. »
Cette « irresponsabilité » s’illustre. Pour l’ancien SGPR, les nouveaux élus devraient dire au peuple que depuis des années le pays contracte des dettes abyssales pour des projets qui ne servent à rien. C’est le cas des 1000 milliards de FCFA dépensés dans le cadre de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). La ‘’vérité’’ des élus devrait être de dire au peuple que des projets d’une importance absolue sont l’objet de promesses répétées mais jamais tenues. C’est le cas, illustre-t-il, des forages d’eau potable dans l’Extrême-Nord. Promesse qui date de 2011. A côté, Yaoundé et Douala demeurent toujours coupées sur le plan ferroviaire après la catastrophe d’octobre 2016.
Camair Co, la compagnie aérienne nationale n’est oubliée dans cette liste des faits qui retardent le Cameroun. « La compagnie aérienne nationale, dont l’Etat est le seul actionnaire, est si mal gérée qu’à notre honte à tous elle doit suspendre ses liaisons internationales. » Une autre ‘’vérité’’ que cet homme politique souhaite être reconnue et dite au peuple, c’est le sujet sur l’autoroute Douala-Yaoundé. Promise « depuis 10 ans mais la phase 1 n’est toujours pas achevée. » Ces deux grandes villes ne sont pas les seules à être coupées. Car au Nord, apprend-on, pour aller de Ngaoudéré à Maroua, il faut, soutient Marafa du fond de sa cellule, 10 heures de route. Pour lui, il s’agit là du résultat de l’hésitation du gouvernement, à califourchon entre la privatisation et la nationalisation des ports, des services d’électricité et de l’eau.
Les nouveaux élus devraient, selon Marafa arborer leur écharpe pour dire aux camerounais que le taux de croissance de 3 % ou 4 % du PIB que vante le gouvernement « ne veut rien dire ». La raison est avancée. « Notre croissance n’est pas inclusive et échoue à créer de l’emploi et à développer notre capital humain. Le taux de chômage chez les jeunes est de plus de 50 %. » Ce n’est pas tout. D’autres ‘’vérités’’ doivent être dites au peuple. « Que 8 millions de nos compatriotes, près de 40 % de la population de la population vivent sous le seuil de la pauvreté. Que nos forêts et nos ressources naturelles sont pillées de manière anarchique. »
Même si la source de ces chiffres n’est pas indiquée par Marafa Hamidou Yaya, l’on retient les propositions qu’il fait afin que le Cameroun ait un nouveau visage économique. « …il est urgent de mettre en place un plan d’actions pour développer l’agriculture, l’industrie et les services. » Les nouveaux élus ont 5 ans devant eux. La plupart sont du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Sauront-ils dire les ‘’vérités’’ prescrites par Marafa et bouleverser de manière spectaculaire l’establishment? Un peu difficile car, il est curieux de scier la planche sur laquelle on est assis. Toute de même, fait observer l’ancien patron du commandement territorial, « je ne peux pas vous en demander plus que ce que peut un simple prisonnier depuis sa cellule (…) dire la vérité sera déjà un acte d’extrême courage, d’extrême intégrité et d’extrême valeur (…) mais dire la vérité sera déjà un pas décisif vers l’émergence de la république que nous appelons tous de nos vœux… »
Aloys Onana